Homélie de saint Bruno de Segni (+ 1123) Sermon pour le Vendredi saint 1 ; PL 165, 1007-1008.

Cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour comme le Christ nous a aimés et s’est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire (Ep 5,1).

Notre Seigneur Jésus Christ, par tout ce qu’il a fait et a dit, nous a laissé, frères très chers, un modèle d’humilité et les principes d’une vie vertueuse. Il n’a pas voulu seulement nous enseigner par ses paroles, mais aussi par ses exemples. Aussi est-il écrit de lui que dès le commencement il se mit à agir et à enseigner (Ac 1,1).

Quant à l’humilité, il a dit de lui-même : Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur (Mt 11,29). Oui, alors qu’il est tout-puissant, qu’il est le Seigneur, il a voulu pour nous être pauvre, il a méprisé les honneurs, il a subi volontairement sa passion, il a prié pour ses persécuteurs. Et il a fait tout cela pour qu’en toutes choses, selon les possibilités de notre faiblesse, nous ne négligions pas de le suivre, car autrement nous ne serions pas de vrais chrétiens. Celui qui prétend aimer le Christ doit marcher lui-même dans la voie où lui, Jésus, a marché (1 Jn 2,6). <>

Mais c’est parce qu’il a subi de plein gré la passion et la croix qu’il nous a arrachés par sa mort au pouvoir du démon. Cloué à la croix, il a prié pour les pécheurs. Il nous a donné cet exemple afin que ceux que d’autres font souffrir supportent avec une âme égale les maux que leur infligent leurs semblables. Lui-même les a subis avec tant de douceur de la part des esclaves, alors qu’il est le Seigneur de tous, et de la part des pécheurs, alors qu’il est le Juste.

Quant à nous, frères, quand nous sommes soumis à des épreuves, nous devons redoubler de prières, car il y a deux sortes d’épreuves. Il y a l’épreuve qui nous fait subir des dommages temporels. Et il y a l’épreuve bien plus grave par laquelle nous sommes portés à pécher. Mais il faut prier de telle façon que notre prière ne se transforme pas en péché.

En même temps, nous devons faire l’aumône, et la faire de façon parfaite. L’aumône parfaite consiste en deux choses : donner et pardonner. C’est pourquoi le Seigneur dit dans l’Evangile : Donnez, et vous recevrez une mesure bien pleine ; pardonnez, et vous serez pardonnés (Lc 6,37).

Tels sont les moyens de parvenir au Royaume des cieux. Que le Christ, notre Seigneur, nous y conduise, lui qui vit et règne pour les siècles des siècles.

vv. 25-26 : Catena aurea

La Glose. Le Seigneur savait qu’un grand nombre douteraient de la vérité qu’il venait de leur révéler, c’est-à-dire que les Juifs ont rejeté le Christ, tandis que les Gentils l’ont reçu avec empressement ; il répond donc à ces doutes intérieurs : " Et Jésus, répondant, dit ces paroles : Je vous rends gloire, mon Père, " etc. C’est-à-dire vous qui faites les cieux, et qui laissez dans l’attachement aux choses de la terre ceux que vous voulez. Ou bien dans le sens littéral : — S. Aug. (serm. 9 sur les paroles du Seig.) Puisque Jésus-Christ dit : " Je vous confesse, " lui si éloigné de tout péché, la confession n’est donc pas toujours l’aveu des péchés, mais quelquefois aussi l’expression de la louange. Nous confessons donc soit en louant Dieu, soit en nous accusant nous-mêmes ; et ces mots : Je vous confesse, signifient non pas : je m’accuse, mais : je vous loue, je vous rends gloire.

S. Jér. Que ceux qui osent calomnier le Sauveur en niant sa naissance éternelle et en soutenant qu’il a été créé dans le temps, entendent et méditent ces paroles. Ils appuient leur opinion sur ce qu’il appelle ici son Père le Seigneur du ciel et de la terre. Mais s’il n’est qu’une simple créature, et qu’une créature puisse donner le nom de Père à son Créateur, il a fait une chose déraisonnable en ne l’appelant pas son Maître ou son Père comme il l’appelle le Maître et le Père du ciel et de la terre. Or il rend grâces à Dieu de ce qu’il révèle le mystère de son avènement aux Apôtres, mystère qu’il a laissé ignorer aux scribes et aux pharisiens qui étaient sages et prudents à leurs propres veux. C’est le sens de ces paroles : " De ce que vous avez caché aux sages, " etc. S. Aug. (serm. 9 sur les paroles du Seig.) Sous le nom de ces sages et de ces prudents on peut entendre les orgueilleux, comme Notre-Seigneur l’explique lui-même, en ajoutant : " Et que vous les avez révélés aux petits. " En effet, que veut dire " aux petits, " si ce n’est aux humbles ? - S. Grég. (Moral. XXVII, 7.) II n’ajoute pas : Vous les avez révélés aux insensés, mais aux petits, pour nous montrer qu’il ne condamne pas la pénétration, mais seulement l’enflure de l’esprit. S. Chrys. (hom. 39.) Ou bien encore, en nommant ici des sages, il n’a point voulu parler de la véritable sagesse, mais de celle que les scribes et les pharisiens ne tenaient que de leur éloquence ; c’est pour cela qu’il ne dit pas : " Vous les avez révélés aux insensés, " mais : " aux petits, " c’est-à-dire aux gens sans instruction et sans éducation. C’est ainsi qu’il nous apprend à fuir en tout l’orgueil, et à rechercher la pratique de l’humilité. S. Hil. (can. 11.) Les secrets et la vertu des paroles célestes demeurent cachés pour les sages, c’est-à-dire pour ceux qui sont pleins d’une folle présomption, et dont la sagesse n’est pas le fruit de la prudence ; et ces mêmes secrets sont révélés aux petits, c’est-à-dire à ceux qui sont petits en malice, et non en intelligence. S. Chrys. (hom. 39.) Que ces mystères aient été révélés aux uns, c’est un légitime sujet de joie, mais qu’ils restent cachés pour les autres, c’est un trop juste sujet de larmes. Aussi la joie du Sauveur vient-elle exclusivement de ce que les petits ont connu ce que les sages ont ignoré.

S. Hil. (can. 11) Il confirme l’équité de cette conduite par le jugement de la volonté de son Père ; suivant ce jugement, ceux qui refusent d’être petits devant Dieu deviennent insensés dans leur propre sagesse ; c’est pour cela qu’il ajoute : " Oui, je vous bénis, ô mon Père, parce qu’il vous a plu ainsi. " — S. Greg. (Moral., liv. xxv, chap. 43.) Ces paroles renferment pour nous une leçon d’humilité, et nous apprennent à ne pas discuter témérairement les jugements de Dieu sur la vocation des uns, et sur la réprobation des autres, en nous montrant qu’il ne peut y avoir d’injustice dans ce qui a plu à celui qui est souverainement juste. — S. Jér. Notre-Seigneur tient encore ce langage affectueux à son Père, pour l’engager à consommer l’oeuvre qu’il a commencée dans ses Apôtres. — S. Chrys. (hom. 39.) Ces paroles de Jésus-Christ à ses Apôtres leur inspirèrent une plus grande vigilance ; le pouvoir qu’ils avaient reçu de chasser les démons était de nature à leur donner une haute idée d’eux-mêmes, il réprime donc cette idée en leur apprenant que les faveurs qui leur ont été accordées ne sont pas le fruit de leurs efforts, mais l’effet d’une révélation divine. Aussi les scribes et les pharisiens, infatués de leur sagesse et de leur prudence, sont-ils tombés victimes de leur orgueil. Si donc ils ont mérité pour cela que les mystères de Dieu demeurent cachés pour eux, craignez vous aussi, et appliquez-vous à rester petits, car c’est ce qui vous a donné droit à la révélation de ces mystères. Ces paroles : " Vous avez caché ces choses aux sages, " doivent être entendues dans le sens de ces autres de saint Paul : " Dieu les a livrés au sens réprouvé. " L’intention de l’Apôtre n’est pas d’attribuer à Dieu immédiatement cet effet, mais à ceux qui en ont posé la cause. C’est dans le même sens qu’il faut entendre ces paroles du Sauveur : " Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents. " Et pourquoi ces vérités sont-elles demeurées cachées pour eux ? Ecoutez saint Paul qui vous répond : " Parce que, s’efforçant d’établir leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. "

v. 25 : La foi est une grâce

153 Lorsque S. Pierre confesse que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, Jésus lui déclare que cette révélation ne lui est pas venue " de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux " (Mt 16,17 cf. Ga 1,15 ; Mt 11,25). La foi est un don de Dieu, une vertu surnaturelle infuse par Lui. " Pour prêter cette foi, l’homme a besoin de la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que des secours intérieurs du Saint-Esprit. Celui-ci touche le coeur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne ‘à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité’ " (DV 5).

v. 25 : L’annonce du Royaume de Dieu

544 Le Royaume appartient aux pauvres et aux petits, c’est-à-dire à ceux qui l’ont accueilli avec un coeur humble. Jésus est envoyé pour " porter la bonne nouvelle aux pauvres " (Lc 4,18 cf. Lc 7,22). Il les déclare bienheureux car " le Royaume des cieux est à eux " (Mt 5,3) ; c’est aux " petits " que le Père a daigné révéler ce qui reste caché aux sages et aux habiles (cf. Mt 11,25). Jésus partage la vie des pauvres, de la crèche à la croix ; il connaît la faim (cf. Mc 2,23-26 ; Mt 21,18), la soif (cf. Jn 4,6-7 ; Jn 19,28) et le dénuement (cf. Lc 9,58). Plus encore : il s’identifie aux pauvres de toutes sortes et fait de l’amour actif envers eux la condition de l’entrée dans son Royaume (cf. Mt 25,31-46).

vv. 25-27 : Jésus prie

2603 Du Christ, durant son ministère, les évangélistes ont retenu deux prières plus explicites. Or elles commencent chacune par l’action de grâces. Dans la première (Mt 11,25-27 ; Lc 10,21), Jésus confesse le Père, Le reconnaît et Le bénit parce qu’Il a caché les mystères du Royaume à ceux qui se croient doctes et l’a révélé aux " tout-petits " (les pauvres des béatitudes). Son tressaillement " Oui, Père ! " exprime le fond de son cour, son adhésion au " bon plaisir " du Père, en écho au Fiat de sa Mère lors de sa conception et en prélude à celui qu’Il dira au Père dans son agonie. Toute la prière de Jésus est dans cette adhésion aimante de son coeur d’homme au " mystère de la volonté " du Père (Ep 1,9).

2604 La seconde prière est rapportée par S. Jean (Jn 11,41-42) avant la résurrection de Lazare. L’action de grâces précède l’événement : " Père, Je Te rends grâces de M’avoir exaucé " , ce qui implique que le Père écoute toujours sa demande ; et Jésus ajoute aussitôt : " Je savais bien que Tu M’exauces toujours ", ce qui implique que, de son côté, Jésus demande d’une façon constante. Ainsi, portée par l’action de grâce, la prière de Jésus nous révèle comment demander : avant que le don soit donné, Jésus adhère à Celui qui donne et Se donne dans ses dons. Le Donateur est plus précieux que le don accordé. Il est le " Trésor ", et c’est en Lui qu’est le cour de son fils ; le don est donné " par surcroît " (Mt 6,21 ; Mt 6,33).

La prière " sacerdotale " de Jésus (Jn 17) tient une place unique dans l’économie du salut. Elle sera méditée en finale de la première section. Elle révèle en effet la prière toujours actuelle de notre Grand Prêtre, et, en même temps, elle contient ce qu’Il nous enseigne dans notre prière à notre Père, laquelle sera développée dans la deuxième section.

vv. 25-26 : I La prière vocale

2700 Par sa Parole, Dieu parle à l’homme. C’est par des paroles, mentales ou vocales, que notre prière prend corps. Mais le plus important est la présence du coeur à Celui à qui nous parlons dans la prière. " Que notre prière soit entendue dépend, non de la quantité des paroles, mais de la ferveur de nos âmes " (S. Chrysostome, ecl. 2).

2701 La prière vocale est une donnée indispensable de la vie chrétienne. Aux disciples, attirés par la prière silencieuse de leur Maître, Celui-ci enseigne une prière vocale : le " Notre Père ". Jésus n’a pas seulement prié les prières liturgiques de la synagogue, les Evangiles nous Le montrent élever la voix pour exprimer sa prière personnelle, de la bénédiction exultante du Père (cf. Mt 11,25-26) jusqu’à la détresse de Gethsémani (cf. Mc 14,36).

2702 Ce besoin d’associer les sens à la prière intérieure répond à une exigence de notre nature humaine. Nous sommes corps et esprit, et nous éprouvons le besoin de traduire extérieurement nos sentiments. Il faut prier avec tout notre être pour donner à notre supplication toute la puissance possible.

2703 Ce besoin répond aussi à une exigence divine. Dieu cherche des adorateurs en Esprit et en Vérité, et par conséquent la prière qui monte vivante des profondeurs de l’âme. Il veut aussi l’expression extérieure qui associe le corps à la prière intérieure, car elle Lui apporte cet hommage parfait de tout ce à quoi Il a droit.

2704 Parce qu’extérieure et si pleinement humaine, la prière vocale est par excellence la prière des foules. Mais aussi la prière la plus intérieure ne saurait négliger la prière vocale. La prière devient intérieure dans la mesure où nous prenons conscience de Celui " à qui nous parlons " (Ste. Thérèse de Jésus, cam. 26). Alors la prière vocale devient une première forme de la prière contemplative.

vv. 25-27 : II " Père ! "

2779 Avant de faire nôtre ce premier élan de la Prière du Seigneur, il n’est pas inutile de purifier humblement notre coeur de certaines fausses images de " ce monde-ci ". L’humilité nous fait reconnaître que " nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler ", c’est-à-dire " aux tout petits " (Mt 11,25-27). La purification du coeur concerne les images paternelles ou maternelles, issues de notre histoire personnelle et culturelle, et qui influencent notre relation à Dieu. Dieu notre Père transcende les catégories du monde créé. Transposer sur lui, ou contre lui, nos idées en ce domaine serait fabriquer des idoles, à adorer ou à abattre. Prier le Père c’est entrer dans son mystère, tel qu’Il est, et tel que le Fils nous l’a révélé :

L’expression Dieu le Père n’avait jamais été révélée à personne. Lorsque Moïse lui-même demanda à Dieu qui il était, il entendit un autre nom. A nous ce nom a été révélé dans le Fils, car ce nom implique le nom nouveau de Père (Tertullien, or. 3).

2780 Nous pouvons invoquer Dieu comme " Père " parce qu’il nous est révélé par son Fils devenu homme et que son Esprit nous le fait connaître. Ce que l’homme ne peut concevoir ni les puissances angéliques entrevoir, la relation personnelle du Fils vers le Père (cf. Jn 1,1), voici que l’Esprit du Fils nous y fait participer, nous qui croyons que Jésus est le Christ et sommes nés de Dieu (cf. 1Jn 5,1).

2781 Quand nous prions le Père, nous sommes en communion avec lui et avec son Fils, Jésus-Christ (cf. 1Jn 1,3). C’est alors que nous le connaissons et le reconnaissons dans un émerveillement toujours nouveau. La première parole de la Prière du Seigneur est une bénédiction d’adoration, avant d’être une imploration. Car c’est la Gloire de Dieu que nous le reconnaissions comme " Père ", Dieu véritable. Nous lui rendons grâce de nous avoir révélé son Nom, de nous avoir donné d’y croire et d’être habités par sa Présence.

2782 Nous pouvons adorer le Père parce qu’il nous a fait renaître à sa Vie en nous adoptant comme ses enfants dans son Fils unique : par le Baptême, il nous incorpore au Corps de son Christ, et, par l’Onction de son Esprit qui s’épanche de la Tête dans les membres, il fait de nous des " christs " :

Dieu, en effet, qui nous a prédestinés à l’adoption de fils, nous a rendus conformes au Corps glorieux du Christ. Désormais donc, participants du Christ, vous êtes à juste titre appelés " christs " (S. Cyrille de Jérusalem, catech. myst. 3,1).

L’homme nouveau, qui est rené et rendu à son Dieu par la grâce, dit d’abord " Père ! ", parce qu’il est devenu fils (S. Cyprien, Dom. orat. 9).

2783 C’est ainsi que, par la Prière du Seigneur, nous sommes révélés à nous-mêmes en même temps que le Père nous est révélé (cf. GS 22) :

O homme, tu n’osais pas lever ton visage vers le ciel, tu baissais les yeux vers la terre, et soudain tu as reçu la grâce du Christ : tous tes péchés t’ont été remis. De méchant serviteur tu es devenu un bon fils.... Lève donc les yeux vers le Père qui t’a racheté par son Fils et dis : notre Père... Mais ne te réclame d’aucun privilège. Il n’est le Père, d’une manière spéciale, que du Christ seul, tandis que nous, il nous a créés. Dis donc toi aussi par grâce : notre Père, pour mériter d’être son fils (S. Ambroise, sacr. 5,19).

2784 Ce don gratuit de l’adoption exige de notre part une conversion continuelle et une vie nouvelle. Prier notre Père doit développer en nous deux dispositions fondamentales :

Le désir et la volonté de lui ressembler. Créés à son image, c’est par grâce que la ressemblance nous est rendue et nous avons à y répondre.

Il faut nous souvenir, quand nous nommons Dieu ‘notre Père’ que nous devons nous comporter en fils de Dieu (S. Cyprien, Dom. orat. 11).

Vous ne pouvez appeler votre Père le Dieu de toute bonté si vous gardez un coeur cruel et inhumain ; car dans ce cas vous n’avez plus en vous la marque de la bonté du Père céleste (S. Chrysostome, hom. in Mt 7,14).

Il faut contempler sans cesse la beauté du Père et en imprégner notre âme (S. Grégoire de Nysse, or. dom. 2).

2785 Un coeur humble et confiant qui nous fait " retourner à l’état des enfants " (Mt 18,3) : car c’est aux " tout petits " que le Père se révèle (Mt 11,25) :

C’est un regard sur Dieu seul, un grand feu d’amour. L’âme s’y fond et s’abîme en la sainte dilection, et s’entretient avec Dieu comme avec son propre Père, très familièrement, dans une tendresse de piété toute particulière (S. Mt 2 ; Mt 9,18).

Notre Père : ce nom suscite en nous, tout à la fois, l’amour, l’affection dans la prière,... et aussi l’espérance d’obtenir ce que nous allons demander... Que peut-il en effet refuser à la prière de ses enfants, quand il leur a déjà préalablement permis d’être ses enfants ? (S. Augustin, serm. Dom. 2,4,16).

vv. 25-26.27 : Dominum et vivificantem 20

La théophanie du Jourdain n’éclaire que fugitivement le mystère de Jésus de Nazareth dont toute l’activité se déroulera en présence de l’Esprit Saint (70 Cf. S. BASILE, De Spiritu Sancto, XVI, 39 ; PG 32, 139). Ce mystère sera révélé par Jésus lui-même et peu à peu confirmé à travers tout ce qu’il " a fait et enseigné " (71 - Ac 1,). Dans la ligne de cet enseignement et des signes messianiques que Jésus accomplit avant de parvenir au discours d’adieu du Cénacle, nous rencontrons des événements et des paroles qui représentent des moments particulièrement importants de cette révélation progressive. Ainsi l’évangéliste Luc, qui a déjà présenté Jésus " rempli d’Esprit Saint " et " mené par l’Esprit à travers le désert " (72 - Cf. Lc 4,), nous apprend que, après le retour des soixante-douze disciples de la mission que le Maître leur avait confiée (73 - Cf. Lc 10,17-20), alors que, tout joyeux, ils décrivaient le fruit de leur travail, à cette heure même, Jésus " tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et dit : " Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir " " (74 - Lc 10,21 cf. Mt 11,25-26). Jésus exulte à cause de la paternité divine ; il exulte parce qu’il lui est donné de révéler cette paternité ; il exulte, enfin, parce qu’il y a comme un rayonnement particulier de cette paternité divine sur les " petits ". Et l’évangéliste qualifie tout cela de " tressaillement de joie dans l’Esprit Saint ".

Un tel tressaillement de joie, en un sens, entraîne Jésus à dire encore davantage. Ecoutons : " Tout m’a été remis par mon Père, et nul ne sait qui est le Fils si ce n’est le Père, ni qui est le Pere si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler "(75 - Lc 10,22 cf Mt 11,27).

v. 25 : II, II, 62 : ARTICLE 3 : Quel est le siège de l’orgueil ?

Objections : 1. Il semble que l’orgueil ne siège pas dans l’irascible. En effet, d’après S. Grégoire, " l’obstacle à la vérité, c’est l’enflure de l’esprit, car, tandis qu’il se gonfle, il s’obscurcit ". Or la connaissance de la vérité n’appartient pas à l’irascible, mais à la faculté rationnelle. L’orgueil n’est donc pas dans l’irascible.

En sens contraire, S. Grégoire oppose à l’orgueil le don de crainte. Or la crainte appartient à l’irascible. L’orgueil est donc dans l’irascible.

Réponse : Le siège d’une vertu ou d’un vice doit se déterminer d’après leur objet propre. En effet, un habitus ou un acte ne sauraient avoir un objet différent de celui de la puissance qui est leur siège. Or l’objet propre de l’orgueil est quelque chose d’ardu : l’orgueil est en effet le désir de la propre excellence, on l’a vu. Il faut donc que, de quelque manière, l’orgueil appartienne à la puissance irascible.

Mais on peut entendre l’irascible en deux sens :

1 Au sens propre. Il est alors une partie de l’appétit sensible, de même que la colère (ira), entendue au sens propre, est une passion de l’appétit sensible.

2 L’irascible peut s’entendre en un sens plus large et être attribué aussi à l’appétit intellectuel. A celui-ci est attribuée parfois également la colère ; ainsi attribue-t-on la colère à Dieu et aux anges, non sans doute comme passion, mais comme un acte de justice. Ce n’est pas cependant en ce sens général que l’irascible est une puissance distincte du concupiscible, comme on le voit par ce qui a été dit dans la première Partie.

Donc, si l’ardu qui est l’objet de l’orgueil était seulement quelque chose de sensible, à quoi pourrait tendre l’appétit sensible, il faudrait que l’orgueil soit dans l’irascible, qui est une partie de l’appétit sensible. Mais comme l’ardu, que regarde l’orgueil, se trouve généralement à la fois dans le domaine sensible et dans le domaine spirituel, il est nécessaire de dire que le siège de l’orgueil est l’irascible entendu non seulement au sens propre, selon qu’il est une partie de l’appétit sensible, mais aussi en un sens plus général, selon qu’il se trouve dans l’appétit intellectuel ou volonté. C’est pourquoi on attribue de l’orgueil aux démons.

Solutions : 1. La connaissance de la vérité est double. L’une est purement spéculative. L’orgueil fait obstacle à celle-ci de façon indirecte, en supprimant la cause. En effet, l’orgueilleux ne soumet pas son intelligence à Dieu pour recevoir de lui la connaissance de la vérité. On peut lire en S. Matthieu (Mt 11,25) : " Tu as caché ces choses aux sages et aux habiles ", c’est-à-dire aux orgueilleux, qui se croient sages et habiles, " et tu les as révélées aux petits ", c’est-à-dire aux humbles. L’orgueilleux ne daigne pas non plus s’instruire auprès des hommes, alors que l’Ecclésiastique a dit (Si 6,33) : " Si tu prêtes l’oreille ", en écoutant avec humilité, " tu recevras la doctrine ".

Mais il y a une autre connaissance de la vérité, qui est une connaissance affective. L’orgueil empêche directement cette connaissance de la vérité. Car les orgueilleux, prenant plaisir en leur propre excellence, ont en dégoût l’excellence de la vérité. S. Grégoire dit que les orgueilleux " ont quelque perception des choses secrètes, mais ne peuvent en expérimenter la douceur ; s’ils en ont la science, ils en ignorent la saveur ". C’est pourquoi on peut lire dans les Proverbes (Pr 11,2) " Chez les humbles se trouve la sagesse. "

vv. 25ss Directoire pour le ministère et la vie des prêtres - Imiter le Christ qui prie

40 A cause de charges nombreuses provenant surtout de l’activité pastorale, la vie des prêtres est exposée, aujourd’hui plus que jamais, à une série de sollicitations qui pourraient la conduire vers un activisme extérieur croissant, la soumettant à un rythme parfois frénétique et vertigineux.

Contre cette tentation, il ne faut pas oublier que la première intention de Jésus fut de convoquer autour de lui des Apôtres qui, avant tout, " demeureraient avec lui " (Mc 3,14).

Le Fils de Dieu lui-même a voulu aussi nous laisser un témoignage de sa prière.

Avec une grande fréquence, en effet, les Évangiles nous présentent le Christ en prière : dans la révélation de sa mission de la part du Père (cf. Lc 3,21-22), avant l’appel des Apôtres (cf. Lc 6,12), dans l’action de grâces à Dieu lors de la multiplication des pains (cf. Mt 14,19 ; Mt 15,36 ; Mc 6,41 ; Mc 8,7 ; Lc 9,16 ; Jn 6,11), durant la transfiguration sur la montagne (cf. Lc 9,28-29), quand il soigne le sourd-muet (cf. Mc 7,34) et ressuscite Lazare (cf Jn 11,41, avant la confession de Pierre (cf. Lc 9,18), quand il apprend aux disciples à prier (cf Lc 11,1), et quand ceux-ci reviennent après avoir accompli leur mission (cf. Mt 11,25 ss. ; Lc 10,21 ss.), quand il bénit les enfants (cf Mt 19,13), et quand il prie pour Pierre (cf. Lc 22,32).

Toute son activité quotidienne avait son origine dans la prière. Ainsi, il se retirait dans le désert ou sur la montagne pour prier (cf. Mc 1,35 ; Mc 6,46 ; Lc 5,16 ; Mt 4,1 ; Mt 14,23), il se levait tôt le matin (cf. Mc 1,35) et passait la nuit entière en priant Dieu (cf. Mt 14,23 ; Mt 14,25 ; Mc 6,46 ; Mc 6,48 ; Lc 6,12). Jusqu’à la fin de sa vie, à la dernière Cène (cf. Jn 17,1-26), durant l’agonie (cf. Mt 26,36-44 par.) et sur la Croix (cf Lc 23,34 ; Lc 23,46 ; Mt 27,46 ; Mc 15,34), le Maître divin a montré que la prière animait son ministère messianique et son exode pascal. Ressuscité d’entre les morts, il vit pour toujours et prie pour nous (cf He 7,25).(123)

En suivant l’exemple du Christ, le prêtre doit savoir maintenir la ferveur et le nombre des moments de silence et de prière ou cultiver et approfondir son rapport existentiel avec la personne vivante du Seigneur Jésus.

(123) Cf. Liturgia Horarum, Institutio Generalis, nn. 3-4.

v. 27. Catena aurea

S. Chrys. (hom. 39.) Ce que le Sauveur vient de dire : " Je vous rends gloire, mon Père, de ce que vous avez caché ces choses aux sages, " pouvait laisser penser qu’il rendait grâces à son Père, comme s’il était lui-même privé de cette puissance ; il ajoute donc pour prévenir cette idée : " Mon Père m’a mis toutes choses entre les mains. " Que ces paroles : " Toutes choses m’ont été données par mon Père, ne vous fassent soupçonner rien de naturel et d’humain ; Notre-Seigneur ne s’en est servi que pour détruire la pensée qu’il existe deux dieux non engendrés ; car c’est en même temps qu’il a été engendré qu’il est devenu le Maître de toutes choses. — S. Jer. Si nous entendions ces paroles d’après nos faibles idées, il faudrait admettre que celui qui donne cesse d’avoir au moment où celui qui reçoit commence à posséder. Ou bien par les choses qui lui sont remises entre les mains, il faut entendre non pas le ciel, la terre, les éléments, et toutes les autres choses qu’il a faites et créées, mais ceux qui, par

le Fils ont accès auprès du Père. S. Hil. (can. 11.) Ou bien encore, il s’exprime de la sorte, pour prévenir toute pensée qu’il soit en rien inférieur à son Père. S. Aug. (cont. Maximin.) S’il était en quelque chose moins puissant que son Père, il n’aurait pas à lui tout ce qu’a son Père ; mais le Père, en engendrant son Fils, lui a donné la puissance, comme aussi par le même acte il a donné tout ce qui fait partie de sa substance à celui qu’il a engendré de sa propre substance.

S. Hil. (can. 11.) Ensuite, dans cette mutuelle connaissance du Père et du Fils, il nous donne à comprendre qu’il n’y a pas autre chose dans le Fils que dans le Père qui soit resté inconnu. " Et personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils. " S. Chrys. (hom. 39.) En disant que seul il connaît le Père, il nous démontre indirectement qu’il lui est consubstantiel, comme s’il disait : " Qu’y a-t-il d’étonnant que je sois le Maître de toutes choses, alors que j’ai en moi quelque chose de plus grand encore, c’est-à-dire que je connais mon Père, et que j’ai avec lui une seule et même substance ? — S. Hil. Il nous enseigne que l’identité de nature, dans l’un et dans l’autre, est renfermée dans cette mutuelle connaissance de l’un et de l’autre, de manière que celui qui connaît le Fils connaîtra le Père dans le Fils ; car toutes choses lui ont été données par le Père. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ces paroles : " Personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils, " signifient non pas que tous ignorent le Père absolument, mais que personne ne le connaît de la même manière qu’il le connaît lui-même, ce que l’on doit dire du Fils également ; car il n’est pas question ici d’un Dieu inconnu, comme le prétend Marcion.

S. Aug. (de la Trinité, liv. I, chap. 8.) Enfin, comme la nature divine est inséparable, il suffit quelquefois de nommer le Père seul, ou le Fils seul, sans qu’on sépare pour cela l’Esprit de l’un et de l’autre, Esprit qu’on appelle proprement Esprit de vérité. S. Jér. Que l’hérétique Eunomius rougisse donc de son orgueilleuse prétention, qu’il a lui-même du Père et du Fils une connaissance aussi étendue que le Père et le Fils l’ont eux-mêmes l’un de l’autre ; qu’il cherche à soutenir et à consoler sa folle prétention, en s’appuyant sur les pajotes suivantes : " Et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, " toujours est-il vrai qu’autre chose est de connaître par égalité de nature, autre chose de ne connaître que par la grâce d’une révélation. — S. Aug. (de la Trinité, liv. VII, chap. 3.) Or, le Père se révèle par son Fils, c’est-à-dire par son Verbe ; car si ce verbe que nous proférons, tout passager et transitoire qu’il est, se révèle lui-même et révèle notre propre pensée, à combien plus forte raison le Verbe de Dieu par qui toutes choses ont été faites ! Il fait donc connaître le Père tel qu’il est, parce qu’il est lui-même ce qu’est le Père. — S. Aug. (Quest. évang., liv. II, chap. 1.) En prononçant ces paroles : " Personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père, " il n’a pas dit : Et celui à qui le Père aura voulu le révéler ; mais après avoir dit : " Personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, " il ajoute : " Et celui à qui le Fils aura voulu le révéler ; " paroles qu’il ne faut pas entendre dans le sens que le Fils ne puisse être connu autrement que par le Père. Quant au Père, il peut être connu non-seulement par le Fils, mais encore par ceux à qui le Fils l’aura révélé. S’il a choisi de préférence cette manière de s’exprimer, c’est pour nous faire comprendre que le Père et le Fils nous sont connus par la révélation du Fils, parce qu’il est lui-même la lumière de notre intelligence. Les paroles suivantes : Et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, doivent s’entendre non-seulement du Père, mais encore du Fils ; car elles se rapportent à tout ce qui précède. C’est par son Verbe, en effet, que le Père se fait connaître ; mais le Verbe ne révèle pas seulement ce qu’il est chargé de faire connaître, il se révèle encore lui-même. S. Chrys. (hom. 39.) Si donc il fait connaître le Père, il se fait connaître en même temps lui-même, mais il passe sous silence comme assez claire cette dernière vérité, et il s’attache à la première sur laquelle il pouvait y avoir des doutes. Il nous enseigne en même temps qu’il est tellement d’accord avec son Père, qu’il n’est pas possible d’arriver au Père si ce n est par le Fils ; car ce qui scandalisait surtout les Juifs, c’est qu’il leur paraissait en opposition avec Dieu, et il s’applique de toute manière a détruire cette erreur.

v. 27 : Croire en Jésus Christ, le Fils de Dieu

151 Pour le chrétien, croire en Dieu, c’est inséparablement croire en Celui qu’il a envoyé, " son Fils bien-aimé " en qui Il a mis toute sa complaisance (Mc 1,11) ; Dieu nous a dit de l’écouter (cf. Mc 9,7). Le Seigneur lui-même dit à ses disciples : " Croyez en Dieu, croyez aussi en moi " (Jn 14,1). Nous pouvons croire en Jésus Christ parce qu’il est lui-même Dieu, le Verbe fait chair : " Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître " (Jn 1,18). Parce qu’il " a vu le Père " (Jn 6,46) : il est seul à le connaître et à pouvoir le révéler (cf. Mt 11,27).

v. 27 : Le Père révélé par le Fils

238 L’invocation de Dieu comme " Père " est connue dans beaucoup de religions. La divinité est souvent considérée comme " père des dieux et des hommes ". En Israël, Dieu est appelé Père en tant que Créateur du monde (cf. Dt 32,6 ; Ml 2,10). Dieu est Père plus encore en raison de l’Alliance et du don de la Loi à Israël son " fils premier-né " (Ex 4,22). Il est aussi appelé Père du roi d’Israël (cf. 2S 7,14). Il est tout spécialement " le Père des pauvres ", de l’orphelin et de la veuve qui sont sous sa protection aimante (cf. Ps 68,6).

239 En désignant Dieu du nom de " Père ", le langage de la foi indique principalement deux aspects : que Dieu est origine première de tout et autorité transcendante et qu’il est en même temps bonté et sollicitude aimante pour tous ses enfants. Cette tendresse parentale de Dieu peut aussi être exprimée par l’image de la maternité (cf. Is 66,13 ; Ps 131,2) qui indique davantage l’immanence de Dieu, l’intimité entre Dieu et Sa créature. Le langage de la foi puise ainsi dans l’expérience humaine des parents qui sont d’une certaine façon les premiers représentants de Dieu pour l’homme. Mais cette expérience dit aussi que les parents humains sont faillibles et qu’ils peuvent défigurer le visage de la paternité et de la maternité. Il convient alors de rappeler que Dieu transcende la distinction humaine des sexes. Il n’est ni homme, ni femme, il est Dieu. Il transcende aussi la paternité et la maternité humaines (cf. Ps 27,10), tout en en étant l’origine et la mesure (cf. Ep 3,14 ; Is 49,15) : Personne n’est père comme l’est Dieu.

240 Jésus a révélé que Dieu est " Père " dans un sens inouï : il ne l’est pas seulement en tant que Créateur, il est éternellement Père en relation à son Fils Unique, qui réciproquement n’est Fils qu’en relation à son Père : " Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler " (Mt 11,27).

241 C’est pourquoi les apôtres confessent Jésus comme " le Verbe qui était au commencement auprès de Dieu et qui est Dieu " (Jn 1,1), comme " l’image du Dieu invisible " (Col 1,15), comme " le resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa substance " (He 1,3).

242 A leur suite, suivant la tradition apostolique, l’Eglise a confessé en 325 au premier concile oecuménique de Nicée que le Fils est " consubstantiel " au Père, c’est-à-dire un seul Dieu avec lui. Le deuxième concile oecuménique, réuni à Constantinople en 381, a gardé cette expression dans sa formulation du Credo de Nicée et a confessé " le Fils Unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu du vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père " (DS 150).

v. 27 : III Fils Unique de Dieu

441 Fils de Dieu, dans l’Ancien Testament, est un titre donné aux anges (cf. Dt 32,8 ; Jb 1,6), au peuple de l’Election (cf. Ex 4,22 ; Os 11,1 ; Jr 3,19 ; Si 36,11 ; Sg 18,13), aux enfants d’Israël (cf. Dt 14,1 ; Os 2,1) et à leurs rois (cf. 2S 7,14 ; Ps 82,6). Il signifie alors une filiation adoptive qui établit entre Dieu et sa créature des relations d’une intimité particulière. Quand le Roi-Messie promis est dit " fils de Dieu " (cf. 1Ch 17,13 ; Ps 2,7), cela n’implique pas nécessairement, selon le sens littéral de ces textes, qu’il soit plus qu’humain. Ceux qui ont désigné ainsi Jésus en tant que Messie d’Israël (cf. Mt 27,54) n’ont peut-être pas voulu dire davantage (cf. Lc 23,47).

442 Il n’en va pas de même pour Pierre quand il confesse Jésus comme " le Christ, le Fils du Dieu vivant " (Mt 16,16) car celui-ci lui répond avec solennité : " Cette révélation ne t’est pas venue de la chair et du sang mais de mon Père qui est dans les cieux " (Mt 16,17). Parallèlement Paul dira à propos de sa conversion sur le chemin de Damas : " Quand Celui qui dès le sein maternel m’a mis à part et appelé par sa grâce daigna révéler en moi son Fils pour que je l’annonce parmi les païens... " (Ga 1,15-16). " Aussitôt il se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, proclamant qu’il est le Fils de Dieu " (Ac 9,20). Ce sera dès le début (cf. 1Th 1,10) le centre de la foi apostolique (cf. Jn 20,31) professée d’abord par Pierre comme fondement de l’Eglise (cf. Mt 16,18).

443 Si Pierre a pu reconnaître le caractère transcendant de la filiation divine de Jésus Messie, c’est que celui-ci l’a nettement laissé entendre. Devant le Sanhédrin, à la demande de ses accusateurs : " Tu es donc le Fils de Dieu ", Jésus a répondu : " Vous le dites bien, je le suis " (Lc 22,70 cf. Mt 26,64 ; Mc 14,61). Bien avant déjà, Il s’est désigné comme " le Fils " qui connaît le Père (cf. Mt 11,27 ; Mt 21,37-38), qui est distinct des " serviteurs " que Dieu a auparavant envoyés à son peuple (cf. Mt 21,34-36), supérieur aux anges eux-mêmes (cf. Mt 24,36). Il a distingué sa filiation de celle de ses disciples en ne disant jamais " notre Père " (cf. Mt 5,48 ; Mt 6,8 ; Mt 7,21 ; Lc 11,13) sauf pour leur ordonner " vous donc priez ainsi : Notre Père " (Mt 6,9) ; et il a souligné cette distinction : " Mon Père et votre Père " (Jn 20,17).

444 Les Evangiles rapportent en deux moments solennels, le baptême et la transfiguration du Christ, la voix du Père qui le désigne comme son " Fils bien-aimé " (cf. Mt 3,17 ; Mt 17,5). Jésus se désigne lui-même comme " le Fils Unique de Dieu " (Jn 3,16) et affirme par ce titre sa préexistence éternelle (cf. Jn 10,36). Il demande la foi " au Nom du Fils Unique de Dieu " (Jn 3,18). Cette confession chrétienne apparaît déjà dans l’exclamation du centurion face à Jésus en croix : " Vraiment cet homme était Fils de Dieu " (Mc 15,39), car c’est seulement dans le mystère pascal que le croyant peut donner sa portée ultime au titre de " Fils de Dieu ".

445 C’est après sa Résurrection que sa filiation divine apparaît dans la puissance de son humanité glorifiée : " Selon l’Esprit qui sanctifie, par sa Résurrection d’entre les morts, il a été établi comme Fils de Dieu dans sa puissance " (Rm 1,4 cf. Ac 13,33). Les apôtres pourront confesser : " Nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité " (Jn 1, 14).

v. 27 : L’âme et la connaissance humaine du Christ

471 Apollinaire de Laodicée affirmait que dans le Christ le Verbe avait remplacé l’âme ou l’esprit. Contre cette erreur l’Eglise a confessé que le Fils éternel a assumé aussi une âme raisonnable humaine (cf. DS 149).

472 Cette âme humaine que le Fils de Dieu a assumée est douée d’une vraie connaissance humaine. En tant que telle celle-ci ne pouvait pas être de soi illimitée : elle était exercée dans les conditions historiques de son existence dans l’espace et le temps. C’est pourquoi le Fils de Dieu a pu vouloir en se faisant homme " croître en sagesse, en taille et en grâce " (Lc 2,52) et de même avoir à s’enquérir sur ce que dans la condition humaine on doit apprendre de manière expérimentale (cf. Mc 6,38 ; Mc 8,27 ; Jn 11,34 etc.). Cela correspondait à la réalité de son abaissement volontaire dans " la condition d’esclave " (Ph 2,7).

473 Mais en même temps, cette connaissance vraiment humaine du Fils de Dieu exprimait la vie divine de sa personne (cf. S. Grégoire le Grand, ep. 10,39 : DS 475). " La nature humaine du Fils de Dieu, non par elle-même mais par son union au Verbe, connaissait et manifestait en elle tout ce qui convient à Dieu " (S. Maxime le Confesseur, qu. dub. 66). C’est en premier le cas de la connaissance intime et immédiate que le Fils de Dieu fait homme a de son Père (cf. Mc 14,36 ; Mt 11,27 ; Jn 1,18 ; Jn 8,55 ; etc.). Le Fils montrait aussi dans sa connaissance humaine la pénétration divine qu’il avait des pensées secrètes du coeur des hommes (cf. Mc 2,8 ; Jn 2,25 ; Jn 6,61 ; etc.).

474 De par son union à la Sagesse divine en la personne du Verbe incarné, la connaissance humaine du Christ jouissait en plénitude de la science des desseins éternels qu’il était venu révéler (cf. Mc 8,31 ; Mc 9,31 ; Mc 10,33-34 ; Mc 14,18-20 ; Mc 14,26-30). Ce qu’il reconnaît ignorer dans ce domaine (cf. Mc 13,32), il déclare ailleurs n’avoir pas mission de le révéler (cf. Ac 1,7).

v. 27 : Dei Verbum 2 Nature de la Révélation

2 Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté (cf. Ep 1,9) grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit-Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine (cf. Ep 2,18 ; 2P 1,4). Dans cette révélation le Dieu invisible (cf. Col 1,15 ; 1Tm 1,17) s’adresse aux hommes en son immense amour ainsi qu’à ses amis (cf. Ex 33,11 ; Jn 15,14-15), il s’entretient avec eux (cf. Ba 3,38) pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie. Pareille économie de la Révélation comprend des événements et des paroles intimement unis entre eux, de sorte que les oeuvres, réalisées par Dieu dans l’histoire du salut, attestent et corroborent et la doctrine et le sens indiqués par les paroles, tandis que les paroles publient les oeuvres et éclairent le mystère qu’elles contiennent. La profonde vérité que cette Révélation manifeste, sur Dieu et sur le salut de l’homme, resplendit pour nous dans le Christ, qui est à la fois le Médiateur et la plénitude de toute la Révélation (2 - cf. Mt 11,27 ; Jn 1,14 ; Jn 1,17 ; Jn 14,6 ; Jn 17,1-3 2Co 3,16 ; 2Co 4,6 ; Ep 1,3-14)

v. 27 : I, 31, ARTICLE 4 : Un terme exclusif peut-il s’adjoindre à un nom personnel ?

Objections : 1. Le Seigneur dit à son Père (Jn 17,3) : " Qu’ils te connaissent, toi, seul vrai Dieu. " C’est donc que " le Père seul est vrai Dieu ".

2. On lit en S. Mathieu (Mt 11,27) : " Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père. " Autrement dit : seul le Père connaît le Fils. Et connaître le Fils est bien commun aux Trois. Ainsi, même conclusion que ci-dessus.

En sens contraire, la proposition " le Père seul est Dieu " se résout en deux autres qui l’expliquent : " Le Père est Dieu " et " Nul autre que le Père n’est Dieu. " Mais cette dernière est fausse, car le Fils, qui est Dieu, est un autre que le Père. Donc la proposition " le Père seul est Dieu " est fausse, ainsi que toute autre de ce genre.

Réponse : La proposition " le Père seul est Dieu " peut avoir plusieurs sens. " Seul " peut qualifier le Père ; et pris de façon catégorématique, il fait du Père un solitaire ; alors la proposition est fausse. Pris de façon syncatégorématique, il donne encore lieu à plusieurs sens : si " seul " exclut les autres de la forme du sujet " Père ", la proposition est vraie, car elle signifie alors : " Celui qui est seul à être le Père, est Dieu. " C’est l’explication qu’en donne S. Augustin, quand il écrit : " Nous disons " le Père seul ", non qu’il soit séparé du Fils ou du Saint-Esprit, mais nous signifions par là qu’ils ne sont point Père avec lui. " Cependant, ce sens-là n’est pas celui qui ressort du langage habituel à moins d’y sous-entendre par exemple : " Celui qui seul se nomme le Père est Dieu. "

Dans son sens propre, " seul " exclut de la participation du prédicat ; et cette fois, la proposition est fausse, si l’on veut dire : à l’exclusion d’" un autre " (alius) ; elle est vraie, si l’on veut seulement dire : à l’exclusion d’" autre chose " (aliud). En effet, le Fils est un autre que le Père, mais non pas autre chose ; pareillement le Saint-Esprit. Mais le mot " seul " concerne proprement le sujet, avons-nous dit : il veut donc plutôt exclure " un autre ", qu’" autre chose ". Par conséquent, il ne faut pas généraliser pareille expression ; quand on en rencontrera dans un texte faisant autorité, on aura soin de l’expliquer.

Solutions : 1. L’expression " Toi, le seul vrai Dieu " s’entend non pas de la personne du Père, mais de toute la Trinité, selon S. Augustin. Si d’ailleurs on l’entend de la personne du Père, on n’exclut pas les autres Personnes, à cause de l’unité d’essence ; c’est-à-dire qu’alors " seul " exclut seulement " autre chose ".

2. Même Réponse à la seconde difficulté : quand on attribue au Père une perfection essentielle, on n’exclut ni le Fils ni le Saint-Esprit, en raison de l’unité d’essence. Notons par ailleurs qu’il ne suffit pas de répondre que le vocable latin nemo équivaut à nullus homo, donc que l’exclusion ne vise que les hommes ; ce n’est pas le cas, dans le texte allégué, car on n’aurait pas à y faire exception du Père. Nemo (personne) est pris là au sens usuel, c’est-à-dire qu’il exclut universellement n’importe quelle nature rationnelle

v. 27 : I, 36, ARTICLE 2 : Le Saint-Esprit procède-t-il du Père et du Fils ?

Objections : 1. Selon Denys, " on ne doit pas s’aventurer à parler de la substantielle Déité en des termes étrangers à ceux qui nous sont divinement formulés par les textes sacrés. " Or la Sainte Écriture ne dit pas que le Saint-Esprit procède du Fils ; elle dit seulement qu’il procède du Père : " l’Esprit de vérité qui procède du Père " (Jn 15, 26). Donc le Saint-Esprit ne procède pas du Fils.

En sens contraire, S. Athanase dit : " Le Saint-Esprit est du Père et du Fils, non comme fait ou créé ou engendré, mais comme procédant. "

Réponse : Il est nécessaire d’affirmer que le Saint-Esprit procède du Fils ; s’il n’en procédait pas, il ne pourrait d’aucune manière s’en distinguer. Cela ressort de ce qui a été dit jusqu’ici. En effet, on ne peut pas dire que les Personnes divines se distinguent l’une de l’autre par quelque chose d’absolu ; il s’ensuivrait que les Trois n’auraient pas une essence unique, puisqu’en Dieu tout attribut absolu appartient à l’unité d’essence. Il reste donc que les Personnes divines se distinguent entre elles uniquement par des relations. Mais ces relations ne peuvent distinguer les personnes, sinon autant qu’elles sont opposées. La preuve en est que le Père a deux relations : par l’une il se rapporte au Fils, et par l’autre au Saint-Esprit ; cependant, comme ces relations ne s’opposent pas, elles ne constituent pas deux personnes ; elles n’appartiennent qu’à une seule personne, celle du Père. Donc si, dans le Fils et dans le Saint-Esprit, on ne pouvait trouver que les deux relations qui rapportent chacun d’eux au Père, ces relations ne seraient pas opposées entre elles, pas plus que les deux relations qui rapportent le Père à chacun d’eux. Aussi, de même que le Père n’est qu’une personne, il s’ensuivrait pareillement que le Fils et le Saint-Esprit ne seraient qu’une personne, possédant deux relations opposées aux deux relations du Père. Mais c’est la une hérésie, car on détruit ainsi la foi en la Trinité.

Il faut donc bien que le Fils et le Saint-Esprit se réfèrent l’un à l’autre par des relations opposées. Or, en Dieu, il ne peut y avoir d’autres relations opposées que des relations d’origine, on l’a montré plus haut ; et ces relations d’origine opposées entre elles sont celles de principe d’une part, et de terme émané de ce principe, d’autre part. En définitive, il faudra dire ou bien que le Fils procède du Saint-Esprit mais personne ne le dit ; ou bien que le Saint-Esprit procède du Fils ; et voilà ce que nous confessons.

Et l’explication que nous avons donnée plus haut de leur procession respective s’accorde avec cette doctrine. On a dit que le Fils procède selon le mode propre à l’intellect comme Verbe ; et que le Saint-Esprit procède selon le mode propre à la volonté, comme Amour. Or nécessairement l’amour procède du Verbe : nous n’aimons rien en dehors de ce que nous appréhendons dans une conception de l’esprit. De ce chef encore il est donc clair que le Saint-Esprit procède du Fils.

L’ordre même des choses nous l’apprend. Nulle part en effet on ne trouve de multitude qui procède sans ordre d’un principe unique, a moins qu’il s’agisse de pure distinction matérielle ; ainsi un même ouvrier fabrique une multitude de couteaux matériellement distincts les uns des autres, sans qu’il y ait d’ordre d’entre eux. Mais, dès qu’on dépasse le cas de la distinction purement matérielle, on trouve toujours un ordre dans la multitude produite ; si bien que l’ordre qui éclate jusque dans la production des créatures manifeste la beauté de la sagesse divine. Donc, s’il y a deux personnes qui procèdent de l’unique personne du Père : le Fils et le Saint-Esprit, il faut bien qu’il y ait un ordre entre elles. Et l’on ne peut en assigner d’autre qu’un ordre de nature, l’une procédant de l’autre ; à moins de supposer entre elles une distinction matérielle, ce qui est impossible.

Aussi les Grecs reconnaissent ils que la procession du Saint-Esprit a une certaine relation avec le Fils. Ils concèdent que le Saint-Esprit est l’Esprit du Fils, qu’il provient du Père par le Fils ; certains d’entre eux, dit-on, concèdent même qu’il est du Fils, ou qu’il découle du Fils, mais non pas qu’il en procède. Il y a là, semble-t-il, ignorance ou malignité ; car, si l’on veut bien y réfléchir, on verra que parmi les mots qui ont trait à une origine quelconque, celui de procession est le plus général. Nous en usons pour désigner n’importe quelle origine ; par exemple, on dit que la ligne procède du point, que le rayon procède du soleil, la rivière de sa source, et de même en toutes sortes d’autres cas. Aussi, du fait qu’on admet l’un ou l’autre des mots évoquant l’origine, on peut en conclure que le Saint-Esprit procède du Fils.

Solutions : 1. On ne doit pas attribuer à Dieu ce qui ne se trouve pas dans la Sainte Écriture, ni en propres termes ni quant au sens. Or, s’il est vrai qu’on ne trouve pas formulé expressément dans la Sainte Écriture que le Saint-Esprit procède du Fils, le sens du moins s’y trouve bien, et avant tout dans ce passage ou le Fils dit du Saint-Esprit (Jn 16,14) : " Il me glorifiera, car il recevra du mien. " En outre, c’est une règle d’interprétation de l’Écriture : ce qu’elle affirme du Père, doit s’entendre aussi du Fils, même s’il y a addition d’un terme exclusif : il n’y a d’exception que sur les points ou le Père et le Fils se distinguent par relations opposées. De fait, quand le Seigneur dit (Mt 11,27) : " Personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ", cela ne veut pas exclure que le Fils lui-même se connaisse. Ainsi donc, même si les passages ou il est dit que le Saint-Esprit procède du Père portaient cette clause qu’il procède du Père " seul ", le Fils n’en serait pas exclu pour autant ; car sur ce point, d’être principe du Saint-Esprit, le Père et le Fils ne s’opposent pas ; ils s’opposent uniquement en ceci que l’un est Père et l’autre Fils.

v. 27 : Redemptor Hominis 20 Eucharistie et pénitence

Dans le mystère de la Rédemption, c’est-à-dire dans l’oeuvre de salut accomplie par le Christ, l’Eglise ne participe pas seulement à la bonne nouvelle de son Maître par sa fidélité à sa parole et le service de la vérité, mais elle participe également, par sa soumission pleine d’espérance et d’amour, à la force de son action rédemptrice, qu’il a exprimée et placée dans les sacrements, principalement dans l’Eucharistie (154- SC 10). Celle-ci est le centre et le sommet de toute la vie sacramentelle par laquelle chaque chrétien reçoit la force salvifique de la Rédemption, en commençant par le mystère du baptême par lequel nous sommes plongés dans la mort du Christ pour devenir participants de sa résurrection (155- Rm 6,3-5), comme l’enseigne l’Apôtre. A la lumière de cette doctrine, on voit encore mieux la raison pour laquelle toute la vie sacramentelle de l’Eglise et de chaque chrétien atteint son sommet et sa plénitude dans l’Eucharistie. Dans ce sacrement, en effet, le mystère du Christ s’offrant lui-même en sacrifice au Père sur l’autel de la croix se renouvelle continuellement de par sa volonté : sacrifice que le Père a accepté, échangeant le don total de son Fils, qui s’est fait " obéissant jusqu’à la mort " (156- Ph 2,8), avec son propre don paternel, c’est-à-dire avec le don de la vie nouvelle et immortelle dans la résurrection, car le Père est la source première de la vie et celui qui la donne depuis le commencement. Cette vie nouvelle, qui implique la glorification corporelle du Christ crucifié, est devenue signe efficace du don nouveau fait à l’humanité : ce don est l’Esprit Saint grâce auquel la vie divine que le Père a en lui et qu’il donne à son Fils (157- Jn 5,26 ; 1Jn 5,11) se trouve communiquée à tous les hommes qui sont unis au Christ.

L’Eucharistie est le sacrement le plus parfait de cette union. En célébrant l’Eucharistie et en y participant, nous sommes unis au Christ terrestre et céleste qui intercède pour nous auprès du Père (158- He 9,24 ; 1Jn 2,1), mais nous ne sommes unis à Lui qu’à travers l’acte rédempteur de son sacrifice par lequel il nous a rachetés de manière telle que nous avons été " achetés à grand prix " (159- 1Co 6,20). Le " grand prix " de notre Rédemption montre tout à la fois la valeur que Dieu lui-même attribue à l’homme et notre dignité dans le Christ. En devenant " fils de Dieu " (160- Jn 1,12), fils adoptifs (161- Rm 8,23), nous devenons en même temps à sa ressemblance " un royaume de prêtres ", nous recevons " le sacerdoce royal " (162- Ap 5,10 ; 1P 2,9), c’est-à-dire que nous participons à cette unique et irréversible restitution de l’homme et du monde au Père que Lui, à la fois Fils éternel (163 - Jn 1,1-4 ; Jn 1,18 Mt 3,17 ; Mt 11,27 ; Mt 17,5 ; Mc 1,11 ; Lc 1,32 ; Lc 1,35 ; Lc 3,22 ; Rm 1,4 ; 2Co 1,19 1Jn 5,5 ; 1Jn 5,20 ; 2P 1,17 ; He 1,2) et homme véritable, a accomplie une fois pour toutes. L’Eucharistie est le sacrement dans lequel s’exprime le plus complètement notre être nouveau ; en lui aussi le Christ lui-même, continuellement et de façon toujours nouvelle, " rend témoignage " dans l’Esprit Saint à notre esprit (164 - 1Jn 5,5-11) que chacun de nous, en tant que participant au mystère de la Rédemption, a accès aux fruits de la réconciliation filiale avec Dieu (165 - Rm 5,10 ; Rm 5,11 ; 2Co 5,18-19 ; Col 1,20 ; Col 1,22) qu’Il a lui-même réalisée et qu’il réalise toujours parmi nous par le ministère de l’Eglise.

C’est une vérité essentielle, non seulement doctrinale mais existentielle, que l’Eucharistie construit l’Eglise (166), et elle la construit comme communauté authentique du peuple de Dieu, comme assemblée des fidèles, marquée par ce caractère d’unité auquel participèrent les Apôtres et les premiers disciples du Seigneur. L’Eucharistie construit toujours de nouveau cette communauté et cette unité ; elle la construit et la régénère toujours à partir du sacrifice du Christ, parce qu’elle commémore sa mort sur la croix (167), qui a été le prix dont il nous a rachetés. C’est pourquoi nous touchons pour ainsi dire dans l’Eucharistie le mystère même du Corps et du Sang du Seigneur, comme en témoignent les paroles de l’institution qui sont devenues, en vertu de celle-ci, les paroles de la célébration perpétuelle de l’Eucharistie par ceux qui sont appelés à ce ministère dans l’Eglise.

166- LG 11 ; Paul VI, Discours à l’audience générale du 15 septembre 1965 : Insegnamenti di Paolo VI, III (1965) 1036.

167- SC 47

L’Eglise vit de l’Eucharistie, elle vit de la plénitude de ce sacrement dont la signification et le contenu admirables ont souvent trouvé leur expression dans le magistère de l’Eglise depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours (168). Et pourtant, nous pouvons dire avec certitude que cet enseignement, mis en valeur avec pénétration par les théologiens, par les hommes de foi profonde et de prière, par les ascètes et les mystiques dans leur fidélité totale au mystère eucharistique, demeure pratiquement sur le seuil, parce qu’il est incapable de saisir et de traduire en paroles ce qu’est l’Eucharistie dans sa plénitude, ce qu’elle exprime et ce qui se réalise en elle. Elle est, au sens propre, le sacrement ineffable ! L’engagement essentiel, et par-dessus tout la grâce visible et jaillissante de la force surnaturelle de l’Eglise comme peuple de Dieu, consiste à persévérer et à progresser constamment dans la vie eucharistique, dans la piété eucharistique, à se développer spirituellement dans le climat de l’Eucharistie. A plus forte raison, il n’est donc pas permis, dans notre manière de penser, de vivre et d’agir, d’enlever à ce Sacrement qui est vraiment très saint sa dimension totale et sa signification essentielle. Il est en même temps sacrement et sacrifice, sacrement et communion, sacrement et présence. Et bien qu’il soit vrai que l’Eucharistie fut toujours et doit être encore la révélation la plus profonde et la célébration la meilleure de la fraternité humaine des disciples du Christ et de ceux qui lui rendent témoignage, elle ne peut pas être traitée seulement comme une " occasion " de manifester cette fraternité. Dans la célébration du sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, il faut respecter la pleine dimension du mystère divin, le sens plénier de ce signe sacramentel dans lequel le Christ réellement présent est reçu, l’âme est comblée de grâce et le gage

de la gloire future nous est donné (169). De là découle le devoir d’observer rigoureusement les règles liturgiques et tout ce qui est le témoignage du culte communautaire rendu à Dieu, et ceci d’autant plus que, dans ce signe sacramentel, le Seigneur s’en remet à nous avec une confiance illimitée, comme s’il ne prenait pas en considération notre faiblesse humaine, notre indignité, l’habitude, la routine ou même la possibilité de l’outrage. Tous dans l’Eglise, mais surtout les évêques et les prêtres, doivent veiller à ce que ce sacrement d’amour soit au centre de la vie du peuple de Dieu pour qu’on agisse, à travers toutes les manifestations du culte qui lui est dû, de manière à rendre au Christ " amour pour amour ", et qu’il devienne vraiment " la vie de nos âmes " (170). Et d’autre part, nous ne pourrons jamais oublier ces paroles de saint Paul : " Que chacun s’éprouve donc lui-même et qu’il mange de ce pain et qu’il boive de ce calice " (171).

168- Paul VI, Encyclique Mysterium fidei : AAS 57 (1965) 553-574.

169- SC 47 170- Jn 6,52 ; Jn 6,58 ; Jn 14,6 ; Ga 2,20 171- 1Co 11,28

Cette exhortation de l’Apôtre indique au moins indirectement le lien étroit qui existe entre l’Eucharistie et la Pénitence. Et de fait, si la première parole de l’enseignement du Christ, si la première phrase de la " Bonne Nouvelle " de l’Evangile était : " Convertissez-vous, et croyez à l’Evangile " (métanoèite) (172), le sacrement de la Passion, de la Croix et de la Résurrection semble renforcer et fortifier d’une manière toute spéciale cet appel dans nos âmes. L’Eucharistie et la Pénitence deviennent ainsi, en un certain sens, deux dimensions étroitement connexes de la vie authentique selon l’esprit de l’Evangile, de la vie vraiment chrétienne. Le Christ, qui invite au banquet eucharistique, est toujours le Christ qui exhorte à la pénitence, qui répète : " Convertissez-vous " (173). Sans cet effort constant et toujours repris pour la conversion, la participation à l’Eucharistie serait privée de sa pleine efficacité rédemptrice ; en elle ferait défaut ou du moins se trouverait affaiblie la disponibilité particulière à offrir à Dieu le sacrifice spirituel (174) dans laquelle s’exprime de manière essentielle et universelle notre participation au sacerdoce du Christ. Dans le Christ, en effet, le sacerdoce est uni à son propre sacrifice avec la donation qu’il fait de lui-même au Père ; et cette donation, précisément parce qu’elle est illimitée, fait naître en nous, hommes sujets à de multiples limitations, le besoin de nous tourner vers Dieu d’une manière toujours plus réfléchie, grâce à une conversion constante et toujours plus profonde.

172- Mc 1,15 173- ibid. 174- 1P 2,5

On a beaucoup fait, au cours des dernières années, pour mettre en relief, conformément du reste à la tradition la plus ancienne de l’Eglise, l’aspect communautaire de la pénitence, et surtout du sacrement de pénitence dans la pratique ecclésiale. Ces initiatives sont utiles et serviront certainement à enrichir la pratique pénitentielle de l’Eglise contemporaine. Nous ne pouvons pas oublier cependant que la conversion est un acte intérieur d’une profondeur particulière dans lequel l’homme ne peut pas être suppléé par autrui, il ne peut se faire " remplacer " par la communauté. Bien que la communauté fraternelle des fidèles qui participent à la célébration pénitentielle favorise grandement la conversion personnelle, il est cependant nécessaire, en définitive, que cet acte soit une démarche de l’individu lui-même, dans toute la profondeur de sa conscience, avec le sentiment plénier de sa culpabilité et de sa confiance en Dieu, en se mettant en face de Lui comme le psalmiste pour confesser : " J’ai péché contre toi " (175). C’est pourquoi l’Eglise, observant fidèlement la pratique pluriséculaire du sacrement de pénitence la pratique de la confession individuelle unie à l’acte personnel de contrition, au propos de se corriger et de réparer, défend le droit particulier de l’âme humaine. C’est le droit à une rencontre plus personnelle de l’homme avec le Christ crucifié qui pardonne, avec le Christ qui dit par l’intermédiaire du ministre du sacrement de la réconciliation : " Tes péchés te sont remis " (176) ; " Va, et ne pèche plus désormais " (177). Il est évident qu’il s’agit en même temps du droit du Christ lui-même à l’égard de chaque homme qu’il a racheté. C’est le droit de rencontrer chacun de nous à ce moment capital de la vie de l’âme qu’est le moment de la conversion et du pardon. En sauvegardant le sacrement de pénitence, l’Eglise affirme expressément sa foi dans le mystère de la Rédemption comme réalité vivante et vivifiante qui correspond à la vérité intérieure de l’homme, à sa culpabilité et aussi aux désirs de sa conscience. " Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés " (178). Le sacrement de pénitence est le moyen de rassasier l’homme de cette justice qui vient du Rédempteur.

175- Ps 50,6 (Ps 51) 176- Mc 2,5 177- Jn 8,11 178- Mt 5,6

L’Eglise, surtout en notre temps, se rassemble spécialement autour de l’Eucharistie et désire que la communauté eucharistique authentique devienne le signe de l’unité de tous les chrétiens, unité qui va en mûrissant progressivement : dans ces conditions, on doit ressentir vivement le besoin de la pénitence, aussi bien sous son aspect sacramentel (179) que sous son aspect de vertu. Ce second aspect a été exprimé par le Pape Paul VI dans la constitution apostolique Paenitemini (180). Un des devoirs de l’Eglise est de mettre en oeuvre son enseignement ; il s’agit là d’un thème qu’il nous faudra, c’est certain, approfondir encore dans une réflexion commune et qui devra faire l’objet de nombreuses décisions ultérieures, en esprit de collégialité pastorale, en tenant compte des diverses traditions existant à ce sujet et des diverses circonstances de la vie des hommes de notre temps. Cependant il est certain que l’Eglise du nouvel Avent, l’Eglise qui se prépare continuellement à la nouvelle venue du Seigneur, doit être l’Eglise de l’Eucharistie et de la Pénitence. C’est seulement sous cet angle spirituel de sa vitalité et de son activité qu’elle est l’Eglise de la mission divine, l’Eglise in statu missionis, en état de mission, telle que le Concile Vatican II nous en a révélé le visage.

179- S. Congrégation pour la doctrine de la Foi, Normae pastorales circa absolutionem sacramentalem generali modo impertiendam : AAS 64 (1972) 510-514 ; Paul VI, Allocution à un groupe d’évêques des Etats-Unis d’Amérique en visite ad limina (20/04/1978) : AAS 70 (1978) 328-332 ; Jean Paul II, Allocution à un groupe d’évêques du Canada en visite ad mimina (17/11/1978) : AAS 71 (1979) 32-36. 180- Cf. AAS 58 (1966) 177-198.

vv. 28-30 Catena aurea

S. Chrys. (hom. 39.) Le discours qui précède, et qui est plein de l’ineffable puissance du Sauveur, avait excité dans le coeur de ses disciples un vif désir de s’unir à lui ; il les appelle maintenant lui-même en leur disant : " Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés. " S. Aug. (serm. 10 sur les paroles du Seig.) Pourquoi tous, tant que nous sommes, nous fatiguons-nous ? C’est parce que nous sommes des hommes mortels, portant des vases de boue, cause pour nous de mille anxiétés. Mais si ces vases de chair nous tiennent à l’étroit, dilatons du moins en nous les espaces de la charité. Car pourquoi vous dit-il : " Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, " si ce n’est pour que vous cessiez de l’être.—S. Hil. (can. 41.) Il appelle aussi à lui ceux qui souffraient des difficultés de la loi, et qui étaient accablés sous les lourds fardeaux du péché. — S. Jér. Que le péché soit un fardeau accablant, le prophète Zacharie l’atteste lorsqu’il nous représente l’iniquité assise sur une masse de plomb (chap. 5) ; et le Psalmiste le confirme par son exemple (Ps. XXVII), quand il dit : " Mes iniquités se sont appesanties sur moi. "

S. Grég. (Moral. XXX, 12.) C’est un joug bien rude, c’est un bien dur esclavage que de se soumettre volontairement aux choses du temps, de rechercher avec empressement les biens de la terre, de s’efforcer de retenir ce qui nous échappe, de vouloir se fixer sur un terrain sans consistance, de désirer les choses passagères, et de ne pas vouloir passer avec elles. Car, tandis qu’elles fuient toutes contre notre volonté, nous sommes profondément affectés et accablés de leur perte, après avoir été tourmentés du désir de les posséder.

S. Chrys. (hom. 39.) Il ne dit pas : Que celui-ci ou celui-là vienne à moi, mais : Venez, vous tous qui vivez dans l’anxiété, dans la tristesse, dans le péché ; venez, non pour recevoir le châtiment de vos péchés, mais pour en être délivrés ; venez, non pas que j’aie besoin de la gloire que vous pouvez me procurer, mais parce que je veux votre salut ; c’est pour cela qu’il ajoute : " Et je vous rétablirai. " Il ne dit pas simplement : Je vous sauverai, mais ce qui est beaucoup plus je vous rétablirai, c’est-à-dire je vous ferai jouir d’un repos complet. — Rab. Non-seulement je vous déchargerai, mais je vous rassasierai de mes consolations intérieures. — Remi. " Venez, " nous dit-il, non en dirigeant vos pas vers moi, mais toute votre vie, par le mouvement de la foi et non par celui du corps ; car l’accès que Dieu nous donne près de lui est tout spirituel. Il ajoute : " Prenez mon joug sur vous. " — Rab. Le joug du Christ, c’est son Evangile qui unit et associe les Juifs et les Gentils. Il nous ordonne de prendre ce joug sur nous, c’est-à-dire de le traiter avec honneur, de peur qu’en le mettant au-dessous de nous, c’est-à-dire en n’ayant que du mépris pour lui, nous ne venions à le fouler sous les pieds fangeux des vices ; c’est pour cela qu’il ajoute : " Apprenez de moi. " S. Aug. (serm. 40 sur les paroles du Seig.) Apprenez de moi, non pas à créer l’univers, à faire des miracles dans ce monde, mais apprenez que je suis doux et humble de coeur. Voulez-vous devenir grand ? commencez par les plus petites choses. Vous proposez-vous de construire un édifice d’une hauteur prodigieuse ? occupez-vous tout d’abord d’asseoir les fondements à une grande profondeur ; plus l’édifice doit être élevé, plus les fondements que l’on creuse doivent être profonds. Or, jusqu’où doit s’élever le sommet de l’édifice que nous voulons construire ? Jusque sous les regards de Dieu.

Rab. Il nous faut donc apprendre de notre Sauveur à avoir des moeurs douces et des sentiments humbles, à ne blesser personne, à ne mépriser personne et à posséder dans le fond de notre coeur les vertus dont nous pratiquons les oeuvres au dehors. — S. Chrys. (hom. 39.) C’est pour cela que Notre-Seigneur a commencé l’exposition de ses lois divines par l’humilité, et qu’il lui promet une magnifique récompense en ajoutant : " Et vous trouverez le repos de vos âmes. " C’est là, en effet, la plus grande récompense ; car c’est ainsi que non-seulement vous deviendrez utiles aux autres, mais que vous vous procurerez à vous-mêmes le repos intérieur. Il vous donne dès maintenant cette récompense, en attendant le repos éternel qu’il vous réserve dans l’avenir. — S. Chrys. (hom. 39.) Pour bannir tout sentiment de crainte que pourrait inspirer l’idée seule de joug et de fardeau, il s’empresse l’ajouter : " Mon joug est doux, et mon fardeau léger. " — S. Hil. can. 11.) Il nous propose l’image souriante d’un joug suave et d’un fardeau léger, pour donner à ceux qui croiront en lui comme un pressentiment du bonheur que lui seul a vu dans le sein de son Père. — S. Greg. (Moral. IV.) Quel fardeau si lourd impose-t-il donc à nos âmes en nous commandant de fuir tout désir qui porte le trouble dans notre coeur, et en nous avertissant d’éviter les sentiers si difficiles de ce monde ? — S. Hil. Qu’y a-t-il, au contraire, de plus doux que ce joug, de plus léger que ce fardeau : s’abstenir de tout crime, vouloir le bien, repousser le mal, aimer tous les hommes, n’avoir de haine pour personne, chercher à mériter les biens éternels, ne pas se laisser séduire par les choses présentes, et ne jamais faire à un autre ce qu’on ne voudrait pas souffrir soi-même ?

Rab. Mais comment le joug du Christ peut-il être plein de douceur, alors que lui-même nous dit plus haut (Matth. VII) : " La voie qui conduit à la vie est étroite ? " C’est que ce sentier étroit dans le commencement, s’élargit avec le temps par les ineffables délices de la charité. — S. Aug. (serm. sur les paroles du Seig.) Disons encore que ceux qui ont pris sur eux avec courage le joug du Seigneur, ont à courir des dangers si considérables, qu’on peut dire avec vérité qu’ils ne passent jamais du travail au repos, mais toujours du repos au travail, ainsi que l’Apôtre le dit de lui-même. (II Cor. VI.) Cependant l’Esprit saint était avec lui pour renouveler de jour en jour l’homme intérieur, au milieu des ruines toujours croissantes de l’homme extérieur, et grâce au repos spirituel qu’il fait goûter à l’âme, à l’abondance des délices toutes divines qu’il répand dans les coeurs, à l’espérance du bonheur éternel qu’il nous donne, il adoucissait pour lui toutes les rigueurs, et allégeait tous les fardeaux accablants de la vie présente. Les hommes consentent à être déchirés ou brûlés pour racheter, au prix de douleurs aigues, non-seulement les douleurs éternelles, mais les souffrances prolongées de cette vie. Quelles tempêtes, quelles tourmentes n’ont pas affrontées les marchands pour acquérir des richesses grosses elles-mêmes d’orages ? D’ailleurs ceux qui ne les aiment pas ont à supporter les mêmes peines, et ceux qui les aiment, tout en les supportant, ne s’en trouvent pas accablés. Il en est ainsi de toutes les autres épreuves ; car l’amour rend facile et réduit presque à rien ce qu’il y a de plus terrible et de plus affreux. Combien plus sera-t-il donc vrai de dire que la charité rend facile le chemin qui conduit au vrai bonheur, lorsque la cupidité rend facile autant qu’elle le peut celui qui n’aboutit qu’à la misère ? — S. Jér. Comment peut-on dire que l’Evangile est un joug plus léger que la loi, alors qu’il punit la colère et la simple convoitise, tandis que la loi n’atteint que l’homicide et l’adultère ? C’est que la loi renferme un grand nombre de préceptes dont l’Apôtre déclare ouvertement l’accomplissement impossible. La loi exige les oeuvres ; l’Evangile demande surtout la volonté, et, n’eût-elle pas son effet, elle ne perd pas sa récompense. L’Evangile nous commande ce qui nous est possible, c’est-à-dire de ne pas nourrir de mauvais désirs, ce qui dépend de notre volonté ; la loi, qui n atteint pas la volonté, punit seulement le fait pour vous détourner de l’adultère. Supposez qu’une vierge soit outragée dans une persécution, l’Evangile la recevra comme vierge, parce que sa volonté n’a pas consenti au péché, tandis que la loi la rejettera comme ayant perdu son honneur.

vv. 28-29 : Montée du Carmel I, 7 : COMMENT LES APPÉTITS TOURMENTENT L’ÂME : CE QUI EST PROUVÉ PAR DES COMPARAISONS ET AUTORITÉS

1 La seconde manière de mal positif que les appétits causent en l’âme, c’est qu’ils la tourmentent et affligent, comme celui, qui, étant lié à quelque chose, est serré étroitement par des cordes et n’a point de repos jusqu’à ce qu’il soit délivré de ce tourment. David dit de ceux-là : Les cordeaux de mes péchés (qui sont les appétits) m’ont enserré tout autour (Ps 118,61). Et, comme celui qui se couche nu sur des épines et des pointes se tourmente et s’afflige, ainsi l’âme se tourmente et s’afflige quand elle se vautre dans ses appétits Parce qu’ainsi que des épines, ils blessent, affligent, attachent et laissent de la douleur. David dit qu’ils l’ont entouré comme des mouches à miel, le poignant de leurs aiguillons et s’enflammant contre lui, comme un feu parmi les épines (Ps 117,12), parce que dans les appétits, qui sont les épines, le feu de l’angoisse et du tourment s’augmente. Et comme le laboureur tourmente et pique le boeuf attaché à la charrue, avec le désir de la moisson qu’il espère, ainsi la concupiscence afflige l’âme sous l’appétit pour obtenir ce qu’elle veut. Ce qui paraît au désir qu’avait Dalila de savoir où gisait la force de Samson, qui la fatiguait et tourmentait tant que son âme défaillit jusqu’au mourir (comme dit l’Écriture Sainte ; cf. Jg 16,16).

2 L’appétit est un tourment d’autant plus grand à l’âme qu’il est plus fort ; de manière qu’il y a autant de tourment qu’il y a d’appétit ; et tant plus elle est possédée d’appétits, tant plus elle a de tourments, s’accomplissant en cette âme, même dès cette vie, ce qui est dit, en l’Apocalypse, de Babylone par ces paroles : Autant qu’elle a voulu s’exalter et assouvir ses appétits, tourmentez-la d’angoisse à proportion (Ap 18,7). Et de la façon qu’est tourmenté celui qui tombe entre les mains de ses ennemis, ainsi est traversée et affligée l’âme qui se laisse emporter à ses appétits. Dont nous voyons la figure dans le livre des Juges, auquel on lit que ce fort Samson, qui était auparavant fort, libre et juge d’Israël, étant tombé au pouvoir de ses ennemis ils lui ôtèrent la force, lui arrachèrent les yeux et, l’ayant lié, lui firent tourner une meule de moulin, où ils le tourmentèrent et affligèrent beaucoup (Jg 16,21). Le semblable arrive à l’âme où ces ennemis : les appétits, vivent et dominent ; car la première chose qu’ils lui font, c’est de l’affaiblir et aveugler, comme nous dirons ci-après, et aussitôt ils l’affligent et la tourmentent, l’attachant à la meule de la concupiscence, et les cordes dont elle est garrottée sont ses propres appétits.

3 C’est pourquoi, Dieu ayant compassion de ceux qui, avec tant de peine et à si grands frais, procurent d’étancher la soif et d’assouvir la faim de l’appétit dans les créatures, il leur dit par Isaïe : Vous tous qui avez soif d’appétits, venez aux eaux et vous tous qui n’avez point d’argent de propre volonté et appétits, hâtez-vous, achetez de moi et mangez. Venez et achetez de mon vin et de mon lait, qui est paix et douceur spirituelle, sans argent de propre volonté et sans me donner en échange aucun travail, comme vous en donnez pour vos appétits. Pourquoi donnez- vous l’argent de votre propre volonté pour ce qui n’est pas pain, c’est-à-dire qui n’est pas esprit divin, et mettez-vous le travail de vos appétits en ce qui ne vous peut rassasier ? Venez à moi, et m’écoutez, mangez des biens que vous désirez et votre âme se délectera en la graisse (Is 55,1-2).

4 Or, venir en cet embonpoint, c’est sortir de tous les goûts de la créature ; car la créature tourmente et l’esprit de Dieu recrée. Et ainsi Il nous appelle en saint Matthieu disant : Vous tous qui travaillez, et êtes affligés et chargés du fardeau de vos soucis et appétits, sortez de là et venez à moi, et je vous recréerai, et vous trouverez pour vos âmes le repos dont vos appétits vous privent, lesquels, comme dit le prophète, sont une charge fort pesante (Mt 11,28-29 ; Ps 37,5).

v. 28 : VI L’Eglise domestique

1655 Le Christ a voulu naître et grandir au sein de la Sainte Famille de Joseph et de Marie. L’Eglise n’est autre que la " famille de Dieu ". Dès ses origines, le noyau de l’Eglise était souvent constitué par ceux qui, " avec toute leur maison ", étaient devenus croyants (cf. Ac 18,8). Lorsqu’ils se convertissaient, ils désiraient aussi que " toute leur maison " soit sauvée (cf. Ac 16,31 ; Ac 11,14). Ces familles devenues croyantes étaient des îlots de vie chrétienne dans un monde incroyant.

1656 De nos jours, dans un monde souvent étranger et même hostile à la foi, les familles croyantes sont de première importance, comme foyers de foi vivante et rayonnante. C’est pour cela que le IIe Concile du Vatican appelle la famille, avec une vieille expression, " Ecclesia domestica " (LG 11 cf. FC 21). C’est au sein de la famille que les parents sont " par la parole et par l’exemple... pour leurs enfants les premiers hérauts de la foi, au service de la vocation propre de chacun et tout spécialement de la vocation sacrée " (LG 11).

1657 C’est ici que s’exerce de façon privilégiée le sacerdoce baptismal du père de famille, de la mère, des enfants, de tous les membres de la famille, " par la réception des sacrements, la prière et l’action de grâce, le témoignage d’une vie sainte, et par leur renoncement et leur charité effective " (LG 10). Le foyer est ainsi la première école de vie chrétienne et " une école d’enrichissement humain " (GS 52). C’est ici que l’on apprend l’endurance et la joie du travail, l’amour fraternel, le pardon généreux, même réitéré, et surtout le culte divin par la prière et l’offrande de sa vie.

1658 Il faut encore faire mémoire de certaines personnes qui sont, à cause des conditions concrètes dans lesquelles elles doivent vivre - et souvent sans l’avoir voulu, - particulièrement proches du coeur de Jésus et qui méritent donc affection et sollicitude empressée de l’Eglise et notamment des pasteurs : le grand nombre de personnes célibataires. Beaucoup d’entre elles restent sans famille humaine, souvent à cause des conditions de pauvreté. Il y en a qui vivent leur situation dans l’esprit des Béatitudes, servant Dieu et le prochain de façon exemplaire. A elles toutes il faut ouvrir les portes des foyers, " Eglises domestiques ", et de la grande famille qu’est l’Eglise. " Personne n’est sans famille en ce monde : l’Eglise est la maison et la famille de tous, en particulier de ceux qui ‘peinent et ploient sous le fardeau’ (Mt 11,28) " (FC 85).

v. 28 : Dignitatis humanae 11 Manière d’agir du Christ et des apôtres

Dieu, certes, appelle l’homme à le servir en esprit et en vérité ; si cet appel oblige l’homme en conscience, il ne le contraint donc pas. Dieu, en effet, tient compte de la dignité de la personne humaine qu’il a lui-même créée et qui doit se conduire selon son propre jugement et user de la liberté. Cela est apparu au plus haut point dans le Christ Jésus ; en qui Dieu s’est manifesté lui-même pleinement et a fait connaître ses voies. Le Christ, en effet, notre Maître et Seigneur (11) doux et humble de coeur (12) a invité et attiré les disciples avec patience (13). Certes, il a appuyé et confirmé sa prédication par des miracles, mais c’était pour susciter et fortifier la foi de ses auditeurs, non pour exercer sur eux une contrainte (14). Il est vrai encore qu’il a reproché leur incrédulité à ceux qui l’entendaient, mais c’est en réservant à Dieu le châtiment au jour du jugement (15). Lorsqu’il a envoyé ses apôtres dans le monde, il leur a dit : " Celui qui aura cru et aura été baptisé, sera sauvé ; mais celui qui n’aura pas cru sera condamné " Mc 16,16. Mais, reconnaissant que de l’ivraie avait été semée avec le froment, il ordonna de les laisser croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson, qui aura lieu à la fin des temps (16). Ne se voulant pas Messie politique dominant par la force (17), il préféra se dire Fils de l’Homme, venu " pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude " Mc 10,45. Il se montra le parfait Serviteur de Dieu (18), qui " ne brise pas le roseau froissé et n’éteint pas la mèche qui fume encore " Mt 12,20. Il reconnut le pouvoir civil et ses droits, ordonnant de payer le tribut à César, mais en rappelant que les droits supérieurs de Dieu doivent être respectés : " Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu " Mt 22,21. Enfin, en achevant sur la croix l’oeuvre de la rédemption qui devait valoir aux hommes le salut et la vraie liberté, il a parachevé sa révélation. Il a rendu témoignage à la vérité (19), mais il n’a pas voulu l’imposer par la force à ses contradicteurs. Son royaume, en effet, ne se défend pas par l’épée (20), mais il s’établit en écoutant la vérité et en lui rendant témoignage, il s’étend grâce à l’amour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui tous les hommes.

Instruits par la parole et l’exemple du Christ, les apôtres suivirent la même voie. Aux origines de l’Eglise, ce n’est pas par la contrainte ni par des habilités indignes de l’Evangile que les disciples du Christ s’employèrent à mener les hommes à confesser la Christ comme Seigneur, mais avant tout par la puissance de la parole de Dieu (22). Avec courage, ils annonçaient à tous le dessein de Dieu Sauveur " qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité " 1Tm 2,4 ; mais en même temps, vis-à-vis des faibles, même vivant dans l’erreur, leur attitude était faite de respect, manifestant ainsi comment " chacun d’entre nous rendra compte à Dieu pour soi-même " Rm 14,12 (23), et, par conséquent, est tenu d’obéir à sa propre conscience. Comme le Christ, les apôtres s’appliquèrent toujours à rendre témoignage à la vérité de Dieu, pleins d’audace pour " annoncer la parole de Dieu avec assurance " Ac 4,31 (24) devant le peuple et ses chefs. Une foi inébranlable leur faisait en effet tenir l’Evangile comme étant en toute vérité une force de Dieu pour le salut de tous les croyants (25). Rejetant donc toutes les " armes charnelles " (26), suivant l’exemple de douceur et de modestie donné par le Christ, ils prêchèrent la parole de Dieu avec la pleine assurance qu’elle était une force divine capable de détruire les puissances opposées à Dieu (27) et d’amener les hommes à croire dans le Christ et à le servir (28). Comme leur Maître, les apôtres reconnurent, eux aussi, l’autorité civile légitime : " Que chacun se soumette aux autorités en charge... Celui qui résiste à l’autorité se rebelle contre l’ordre établi par Dieu " Rm 13,1-2 (29). Mais, en même temps, ils ne craignent pas de s’opposer au pouvoir public qui s’opposait lui-même à la sainte volonté de Dieu : " Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes " Ac 5,29 (30). Cette voie, d’innombrables martyrs et fidèles l’ont suivie en tous temps et en tous lieux.

(11) cf. Jn 13,13. (12) cf. Mt 11,29. (13) cf. Mt 11,28-30 ; Jn 6,67-68. (14) cf. Mt 9,28-29 ; Mc 9,23-24 ; Mc 6,5-6. Paul VI, encyc. Ecclesiam suam, 6/08/1964 : AAS 56 (1964), pp. 642-643. (15) cf. Mt 11,20-24 ; Rm 12,19-20 ; 2Th 1,8. (16) cf. Mt 13,30 ; Mt 13,40-42. (17) cf. Mt 4,8-10 ; Jn 6,15. (18) cf. Is 42,1-4. (19) cf. Jn 18,37. (20) cf. Mt 26,51-53 ; Jn 18,36. (21) cf. Jn 12,32. (22) cf. 1Co 2,3-5 ; 1Th 2,3-5. (23) cf. Rm 14,1-23 ; 1Co 8,9-13 ; 1Co 10,23-33. (24) cf. Ep 6,19-20. (25) cf. Rm 1,16. (26) cf. 2Co 10,4 ; 1Th 5,8-9. (27) cf. Ep 6,11-17. (28) cf. 2Co 10,3-5. (29) cf. 1P 2,13-17. (30) cf. Ac 4,19-20.

v. 28 : Ste Thérèse Poésie 24

Rappelle-toi qu’au bord de la fontaine

Un Voyageur fatigué du chemin (Jn 4,6-14)

Fit déborder sur la Samaritaine

Les flots d’amour que renfermait son sein

Ah ! je connais celui qui demandait à boire

Il est Le Don de Dieu, la source de la gloire,

C’est Lui, L’Eau qui jaillit

C’est Lui qui nous a dit :

" Venez à moi. " (Jn 7,37-38)

" Venez à moi, pauvres âmes chargées, (Mt 11,28-30)

" Vos lourds fardeaux bientôt s’allégeront

" Et pour jamais étant désaltérée

" De votre sein des sources jailliront. " (Jn 4,15)

J’ai soif, ô mon Jésus ! cette Eau je la réclame

De ses torrents divins daigne inonder mon âme

Pour fixer mon séjour

En l’Océan d’Amour

Je viens à toi.

 

v. 29 : Ad gentes 24 La spiritualité missionnaire

24 Mais au vrai Dieu qui l’appelle, l’homme doit répondre d’une manière telle que, sans consulter la chair ni le sang Ga 1,16, il s’attache tout entier à l’oeuvre de l’Evangile. Mais cette réponse ne peut être donnée qu’à l’invitation et avec la force de l’Esprit-Saint. L’envoyé entre, en effet, dans la vie et la mission de celui qui " s’est anéanti en prenant la forme d’esclave " Ph 2,7. Il doit donc être prêt à se maintenir pour la vie dans sa vocation, à renoncer à lui-même et à tout ce qu’il a possédé jusque-là, et à " se faire tout à tous " 1Co 9,22.

Annonçant l’Evangile parmi les peuples païens, il doit faire connaître avec confiance le mystère du Christ, dont il est l’ambassadeur, de telle manière qu’en lui il ait l’audace de parler comme il le faut Ep 6,19 ; Ac 4,31 sans rougir du scandale de la croix. Suivant les traces de son Maître qui est doux et humble de coeur, il doit montrer que son joug est suave et son fardeau léger Mt 11,29. Par une vie véritablement évangélique (4), par une grande constance, par la longanimité, par la douceur, par une charité sans feinte 2Co 6,4, il doit rendre témoignage à son Seigneur et même, si c’est nécessaire, jusqu’à l’effusion du sang. Il obtiendra de Dieu courage et force pour reconnaître que, dans les multiples tribulations et la très profonde pauvreté qu’il expérimente, se trouve une abondance de joie 2Co 8,2. Il doit être persuadé que l’obéissance est la vertu particulière du ministre du Christ, qui a racheté le genre humain par son obéissance.

(4) cf. Benoit XV, encyc. Maximum illud : AAS 11 (1919), pp. 449-450.

Les prédicateurs de l’Evangile doivent se garder de négliger la grâce qui est en eux ; ils doivent se renouveler de jour en jour par une transformation spirituelle 1Tm 4,14 ; Ep 4,23 ; 2Co 4,16. Les Ordinaires et les supérieurs devront à époques fixes réunir les missionnaires pour qu’ils soient fortifiés dans l’espérance de leur vocation et renouvelés dans leur ministère apostolique ; des maisons adaptées pourront même être organisées dans ce but.

v. 29 I Pourquoi le Verbe s’est-il fait chair

456 Avec le Credo de Nicée-Constantinople, nous répondons en confessant : " Pour nous les hommes et pour notre salut Il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme ".

457 Le Verbe s’est fait chair pour nous sauver en nous réconciliant avec Dieu : " C’est Dieu qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés " (1Jn 4,10). " Le Père a envoyé son Fils, le sauveur du monde " (1Jn 4,14). " Celui-là a paru pour ôter les péchés " (1Jn 3,5) :

Malade, notre nature demandait à être guérie ; déchue, à être relevée ; morte, à être ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il fallait nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous porter la lumière ; captifs, nous attendions un sauveur ; prisonniers, un secours ; esclaves, un libérateur. Ces raisons-là étaient-elles sans importance ? Ne méritaient-elles pas d’émouvoir Dieu au point de le faire descendre jusqu’à notre nature humaine pour la visiter, puisque l’humanité se trouvait dans un état si misérable et si malheureux ? (S. Grégoire de Nysse, or. catech. 15).

458 Le Verbe s’est fait chair pour que nous connaissions ainsi l’amour de Dieu : " En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui " (1Jn 4,9). " Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle " (Jn 3,16).

459 Le Verbe s’est fait chair pour être notre modèle de sainteté : " Prenez sur vous mon joug et apprenez de moi... " (Mt 11,29). " Je suis la voie, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père sans passer par moi " (Jn 14,6). Et le Père, sur la montagne de la Transfiguration, ordonne : " Ecoutez-le " (Mc 9,7 cf. Dt 6,4-5). Il est en effet le modèle des Béatitudes et la norme de la Loi nouvelle : " Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15,12). Cet amour implique l’offrande effective de soi-même à sa suite (cf. Mc 8,34).

460 Le Verbe s’est fait chair pour nous rendre " participants de la nature divine " (2P 1,4) : " Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : c’est pour que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu " (S. Irénée, hær. 3, 19,1). " Car le Fils de Dieu s’est fait homme pour nous faire Dieu " (S. Athanase, inc. 54,3). " Unigenitus Dei Filius, suæ divinitatis volens nos esse participes, naturam nostram assumpsit, ut homines deos faceret factus homo " (S. Thomas d’A., opusc. 57 in festo Corp. Chr. 1).

vv. 29-30 Le mariage dans le Seigneur

1612 L’alliance nuptiale entre Dieu et son peuple Israël avait préparé l’alliance nouvelle et éternelle dans laquelle le Fils de Dieu, en s’incarnant et en donnant sa vie, s’est uni d’une certaine façon toute l’humanité sauvée par lui (cf. GS 22), préparant ainsi " les noces de l’Agneau " (Ap 19,7 ; Ap 19,9).

1613 Au seuil de sa vie publique, Jésus opère son premier signe - à la demande de sa Mère - lors d’une fête de mariage (cf. Jn 2,1-11). L’Eglise accorde une grande importance à la présence de Jésus aux noces de Cana. Elle y voit la confirmation de la bonté du mariage et l’annonce que désormais le mariage sera un signe efficace de la présence du Christ.

1614 Dans sa prédication, Jésus a enseigné sans équivoque le sens originel de l’union de l’homme et de la femme, telle que le Créateur l’a voulue au commencement : la permission, donnée par Moïse, de répudier sa femme, était une concession à la dureté du coeur (cf. Mt 19,8) ; l’union matrimoniale de l’homme et de la femme est indissoluble : Dieu lui-même l’a conclue : " Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni " (Mt 19,6).

1615 Cette insistance sans équivoque sur l’indissolubilité du lien matrimonial a pu laisser perplexe et apparaître comme une exigence irréalisable (cf. Mt 19,10). Pourtant Jésus n’a pas chargé les époux d’un fardeau impossible à porter et trop lourd (cf. Mt 11,29-30), plus pesant que la Loi de Moïse. En venant rétablir l’ordre initial de la création perturbé par le péché, il donne lui-même la force et la grâce pour vivre le mariage dans la dimension nouvelle du Règne de Dieu. C’est en suivant le Christ, en renonçant à eux-mêmes, en prenant leurs croix sur eux (cf. Mc 8,34) que les époux pourront " comprendre " (cf. Mt 19,11) le sens originel du mariage et le vivre avec l’aide du Christ. Cette grâce du Mariage chrétien est un fruit de la Croix du Christ, source de toute vie chrétienne.

1616 C’est ce que l’Apôtre Paul fait saisir en disant : " Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Eglise ; il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier " (Ep 5,25-26), en ajoutant aussitôt : " ’Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair’ : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Eglise " (Ep 5,31-32).

1617 Toute la vie chrétienne porte la marque de l’amour sponsal du Christ et de l’Eglise. Déjà le Baptême, entrée dans le peuple de Dieu, est un mystère nuptial : il est, pour ainsi dire, le bain de noces (cf. Ep 5,26-27) qui précède le repas de noces, l’Eucharistie. Le Mariage chrétien devient à son tour signe efficace, sacrement de l’alliance du Christ et de l’Eglise. Puisqu’il en signifie et communique la grâce, le mariage entre baptisés est un vrai sacrement de la Nouvelle Alliance (cf. DS 1800 ; CIC 1055 p2).

v. 29 : Ste Thérèse Carnet Jaune 15 mai

Je lui avais parlé de certaines pratiques de dévotion et de perfection conseillés par les saints et qui me décourageaient.

Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Evangile 8 Ce livre-là me suffit. J’écoute avec délices cette parole de Jésus qui me dit tout ce que j’ai à faire : " Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur " ; Mt 11,29 alors j’ai la paix, selon sa douce promesse : et vous trouverez le repos de vos âmes. "

v. 29 : I, II, 68 ARTICLE 1 : Les dons sont-ils différents des vertus ?

En sens contraire, S. Grégoire distingue les sept dons, qu’il dit symbolisés par les sept fils de Job, d’avec les trois vertus théologales, qu’il dit symbolisées par les trois filles de Job. Puis, il distingue les mêmes sept dons d’avec les quatre vertus cardinales, qu’il dit symbolisées par les quatre angles de la maison.

Réponse : Si nous parlons du don et de la vertu d’après leur définition nominale, ils n’ont aucune opposition l’un à l’autre. Car le concept de vertu est pris de ce qu’elle perfectionne l’homme pour le faire agir bien, comme on l’a dit plus haut, tandis que la notion du don est prise par rapport à la cause d’ou il vient. Or rien n’empêche ce qui vient d’un autre à titre de don, d’être chez quelqu’un principe de perfection pour agir bien d’autant plus, nous l’avons dit plus haut, qu’il y a des vertus infusées en nous par Dieu. Aussi, à ce titre, le don ne peut-il se distinguer de la vertu. Et c’est pourquoi certains ont soutenu qu’il n’y avait pas à distinguer les dons des vertus. - Mais il leur reste une difficulté qui n’est pas moindre, c’est de dire pour quelle raison certaines vertus sont appelées dons, et non pas toutes ; et pourquoi certaines choses sont comptées parmi les dons et ne le sont pas parmi les vertus, comme c’est flagrant pour la crainte.

Aussi d’autres ont-ils affirmé qu’il y avait lieu de distinguer les dons d’avec les vertus, mais ils n’ont pas assigné à la distinction une cause appropriée, c’est-à-dire qui fût à ce point commune aux vertus qu’elle ne dût aucunement s’appliquer aux dons, ou inversement. Certains, en effet, considérant qu’entre les sept dons quatre se rapportent à la raison : sagesse, science, intelligence et conseil ; et trois à l’appétit : force, piété et crainte, ont prétendu que les dons perfectionnaient le libre arbitre selon qu’il est faculté de raison ; les vertus au contraire, selon qu’il est faculté de volonté, parce qu’ils n’ont trouvé que deux vertus, foi et prudence, qui fussent dans la raison ou intelligence, tandis qu’ils ont mis les autres dans la faculté d’appétit ou d’affectivité. Mais il faudrait, si cette distinction était juste, que toutes les vertus fussent dans la faculté appétitive, et tous les dons dans la raison.

D’autre part, considérant ce que dit S. Grégoire, que " le don du Saint-Esprit qui forme la tempérance, la prudence, la justice et la force dans l’esprit qui lui est soumis, le prémunit aussi par les sept dons contre chaque tentation " certains ont prétendu que les vertus sont ordonnées à bien agir, les dons au contraire à résister aux tentations. Mais ce n’est pas là encore une distinction suffisante, parce que même les vertus résistent aux tentations lorsque celles-ci induisent à des péchés qui sont contraires aux vertus ; chaque être en effet résiste naturellement à son contraire, ce qui est surtout évident pour la charité dont il est dit dans le Cantique (Ct 8,7) : " Les grandes eaux ne pourraient éteindre la charité. "

D’autres, considérant que ces dons sont révélés dans l’Écriture selon qu’ils furent dans le Christ, comme on le voit en Isaïe (Is 11,2), ont affirmé que les vertus sont ordonnées absolument à bien agir ; mais que les dons sont faits pour que nous puissions grâce à eux nous conformer au Christ, principalement dans ce qu’il a eu à souffrir, parce que c’est surtout dans sa passion que ces dons ont resplendis. - Mais cela non plus ne semble pas suffisant. Car c’est surtout selon l’humilité et la douceur que le Seigneur lui-même nous engage à la conformité avec lui : " Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur " (Mt 11,29) ; et aussi selon la charité : " Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15,12). Et ce sont là aussi les vertus qui ont brillé surtout dans la passion du Christ.

Voilà pourquoi, si nous voulons distinguer les dons d’avec les vertus nous devons suivre la manière de parler de l’Écriture. Or, les dons nous sont révélés non pas sous ce nom-là mais plutôt sous celui d’esprits. C’est ainsi qu’il est dit en Isaïe (Is 11,2) : " Sur lui reposera l’esprit de sagesse et d’intelligence, etc. ". De telles paroles donnent manifestement à entendre que ces sept choses sont énumérées là en tant qu’elles sont en nous par inspiration divine. Or l’inspiration signifie une motion venant du dehors. Il faut en effet considérer qu’il y a dans l’homme deux principes de mouvement : l’un intérieur qui est la raison, l’autre extérieur qui est Dieu, avons-nous dit plus haut ; et le Philosophe dit la même chose au chapitre de la Bonne Fortune.

Mais il est évident que tout ce qui est mû doit nécessairement être proportionné à ce qui le meut ; et la perfection du mobile en tant que tel, c’est d’être bien disposé à se laisser mouvoir par son moteur. Donc, dans la mesure ou le moteur est élevé, il est nécessaire que le mobile lui soit proportionné par une disposition plus parfaite ; ainsi voyons-nous que l’élève doit être préparé plus parfaitement pour recevoir de son maître un enseignement plus élevé. Or il est manifeste que les vertus humaines perfectionnent l’homme en tant qu’il est apte par nature à être mû par la raison dans ses actes intérieurs ou extérieurs. Il faut donc qu’il y ait en lui des perfections plus hautes qui le disposent à être mû par Dieu. Et ces perfections sont appelées des dons, non seulement parce qu’elles sont infusées par Dieu, mais parce que, grâce à elles l’homme est disposé à subir promptement l’impulsion de l’inspiration divine. C’est ce qui est écrit en Isaïe (Is 50,5) : " Le Seigneur m’a ouvert l’oreille ; et moi je n’ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé. " Le Philosophe dit encore que les hommes mus par un instinct divin ne doivent pas délibérer selon la raison humaine, mais suivre leur instinct intérieur, parce qu’ils sont mus par un principe meilleur que la raison humaine. Et c’est ce que disent certains : les dons perfectionnent l’homme pour des actes plus élevés que les actes des vertus.

v. 29 : II, II, 157 ARTICLE 4 : Comparaison de la clémence et de la mansuétude avec les autres vertus

Objections : 2. Une vertu semble d’autant plus importante qu’elle est plus agréable à Dieu et aux hommes. Mais la mansuétude est tout ce qu’il y a de plus agréable à Dieu. L’Ecclésiastique dit en effet (Si 1,27) : " Ce que Dieu aime, c’est la fidélité et la mansuétude. " C’est pourquoi le Christ nous invite spécialement à imiter sa mansuétude en disant (Mt 11,29) : " Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. " Et S. Hilaire a dit : " C’est par la mansuétude de notre esprit que le Christ habite en nous. " Elle est aussi très agréable aux hommes. C’est pourquoi on peut lire dans l’Ecclésiastique (Si 3,19 Vg) : " Mon fils, conduis tes affaires avec douceur, et tu seras plus aimé qu’un homme munificent. " A cause de cela il est dit dans les Proverbes (Pr 20,28) : " Le trône du roi est fortifié par la clémence. " La mansuétude et la clémence sont donc les vertus les plus importantes.

En sens contraire, la clémence et la mansuétude ne sont pas placées parmi les vertus principales, mais sont annexées à une autre vertu tenue pour plus primordiale.

Réponse : Rien n’empêche que des vertus ne soient pas les plus importantes d’un point de vue absolu et universel, mais le soient d’un point de vue relatif, dans un certain genre. Or il n’est pas possible que la clémence et la douceur soient absolument les meilleures des vertus. Car leur mérite se prend de ce qu’elles éloignent du mal, en ce sens qu’elles atténuent la colère ou le châtiment. Or il est plus parfait de poursuivre le bien que de s’abstenir du mal. Et c’est pourquoi les vertus qui ordonnent directement au bien, comme la foi, l’espérance, la charité, et aussi la prudence et la justice, sont, d’un point de vue absolu, des vertus plus grandes que la clémence et la mansuétude.

Mais, relativement, rien n’empêche que la mansuétude et la clémence aient une certaine supériorité parmi les vertus qui résistent aux affections mauvaises. En effet la colère, que la mansuétude atténue, empêche au plus haut point, à cause de son impétuosité, l’esprit de l’homme de juger librement de la vérité. C’est la raison pour laquelle la mansuétude est ce qui, plus que tout, rend l’homme maître de lui-même. Aussi l’Ecclésiastique dit-il (Si 10,31) : " Mon fils, garde ton âme dans la douceur. " Il reste que les convoitises des plaisirs du toucher sont plus honteuses et assiègent de façon plus continue. C’est à cause de cela que la tempérance est davantage considérée comme une vertu principale, nous l’avons vue.

Quant à la clémence, du fait qu’elle atténue les peines, elle semble surtout approcher de la charité, la plus excellente des vertus, par laquelle nous faisons du bien au prochain et lui épargnons le mal.

Solutions : 2. La mansuétude et la clémence rendent l’homme agréable à Dieu et aux hommes, en ce qu’elles concourent au même effet que la charité, la plus grande des vertus, en diminuant les maux du prochain.

v. 29 : II, II, 161 ARTICLE 5 : Comparaison de l’humilité avec les autres vertus

Objections : 2. " Envisages-tu, dit S. Augustin, par l’homme qu’il a daigné assumer, fut un enseignement moral ". Or c’est principalement son humilité qu’il nous a proposé d’imiter, lorsqu’il a dit (Mt 11,29) : " Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. " Et S. Grégoire affirme : " On découvre la preuve de notre rachat dans l’humilité de Dieu. " L’humilité semble être donc la plus grande des vertus.

4. Comme dit S. Augustin, " toute la vie du Christ sur terre, par l’homme qu’il a daigné assumer, fut un enseignement moral ". Or c’est principalement son humilité qu’il nous a proposé d’imiter, lorsqu’il a dit (Mt 11,29) : " Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. " Et S. Grégoire affirme : " On découvre la preuve de notre rachat dans l’humilité de Dieu. " L’humilité semble donc la plus grande des vertus.

En sens contraire, la charité l’emporte sur toutes les vertus, selon S. Paul (Col 3,14) : " Par-dessus tout, ayez la charité. " L’humilité n’est donc pas la plus grande des vertus.

Réponse : Le bien de la vertu humaine réside dans l’ordre de la raison, lequel se prend principalement par rapport à la fin. C’est pourquoi les vertus théologales, qui ont la fin ultime pour objet, sont les plus grandes.

Secondairement, on prête attention à la manière dont les moyens sont ordonnés à la fin. Et cette ordonnance se trouve essentiellement dans la raison elle-même qui ordonne, et, par participation, dans l’appétit ordonné par la raison. Cette ordonnance est faite de manière universelle par la justice, surtout par la justice légale. L’humilité, elle, fait que l’homme demeure bien soumis en toutes choses à l’ordre, d’une façon universelle, tandis que toute autre vertu le fait en telle ou telle matière particulière. C’est pourquoi, après les vertus théologales, après aussi les vertus intellectuelles qui ont pour siège la raison elle-même, et après la justice, surtout légale, l’humilité est plus importante que les autres vertus.

Solutions : 2. De même que l’assemblage ordonné des vertus est comparé, en raison d’une certaine ressemblance, à un édifice, de même ce qui est premier dans l’acquisition des vertus est comparé à la fondation qui est posée en premier dans l’édifice. Mais les véritables vertus sont infusées par Dieu. C’est pourquoi ce qui est premier dans l’acquisition des vertus peut s’entendre de deux façons : d’une première façon, parce qu’on enlève un obstacle. Et, à ce titre, l’humilité tient la première place, en tant qu’elle chasse l’orgueil auquel Dieu résiste, et rend l’homme docile et ouvert à l’influx de la grâce divine, en tant qu’elle vide l’enflure de la superbe. " Dieu résiste aux orgueilleux, écrit S. Jacques (Jc 4,6), mais il donne sa grâce aux humbles. " C’est de cette façon que l’humilité est appelée le fondement de l’édifice spirituel.

D’une autre façon, dans les vertus quelque chose est premier directement, en donnant dès maintenant accès à Dieu. Or le premier accès à Dieu se fait par la foi. " Celui qui s’approche de Dieu doit croire " (He 11,6). Et à ce titre c’est la foi qui est le fondement, d’une façon plus noble que l’humilité.

4. Le Christ nous a principalement recommandé l’humilité, parce que c’est le grand moyen d’écarter ce qui fait obstacle au salut qui consiste pour l’homme à tendre vers les biens célestes et spirituels, biens dont il est empêché quand il cherche la gloire dans le domaine terrestre. C’est pourquoi le Seigneur, pour faire disparaître l’obstacle au salut, a montré par des exemples d’humilité qu’il fallait mépriser la grandeur qui paraît au-dehors. L’humilité est ainsi comme une disposition qui permet d’accéder librement aux biens spirituels et divins. Donc, de même que la perfection est supérieure à la disposition, de même la charité et les autres vertus par lesquelles l’homme est directement conduit à Dieu sont supérieures à l’humilité.

 

v. 29 : III, 5 ARTICLE 4 : Le Fils de Dieu devait-il assumer l’intelligence ?

En sens contraire, S. Augustin déclare " Tiens fermement et sans hésitation que le Christ, Fils de Dieu, a une véritable chair, comme la nôtre, et une âme rationnelle. Il dit en effet au sujet de sa chair (Lc 24,39) : " Touchez et voyez qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai " ; il démontre qu’il a une âme lorsqu’il dit (Jn 10,17) : " je dépose mon âme, et de nouveau je la reprends " ; il manifeste qu’il a une intelligence, lorsqu’il dit (Mt 11,29) " Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur ". Et c’est de lui que Dieu dit par le prophète (Is 52,13) : " Voici que mon serviteur aura l’intelligence. " "

Réponse : Comme dit S. Augustin : " Les apollinaristes se séparèrent de l’Église catholique au sujet de l’âme du Christ, en soutenant, comme les ariens, que le Christ Dieu n’avait pris qu’une chair sans âme ; puis, vaincus sur ce point par les témoignages évangéliques, ils prétendirent que l’intelligence avait fait défaut à l’âme du Christ, et que le Verbe lui-même en tenait lieu. "

Mais cette opinion se réfute par les mêmes raisons que précédemment. -

1 Elle contredit le récit évangélique qui rapporte que le Christ a admiré (Mt 8,10) ; or l’admiration n’est pas possible sans la raison, car elle suppose la comparaison de l’effet et de sa cause, et se produit quand, voyant un effet, on ignore et on cherche sa cause, selon Aristote.

2 Elle contredit l’utilité de l’Incarnation, qui est de justifier l’homme du péché. L’âme humaine n’est capable de péché et de grâce sanctifiante qu’en raison de l’intelligence ; il fallait donc que l’intelligence humaine surtout fût assumée. Et c’est pourquoi le Damascène affirme : " Le Verbe de Dieu a pris un corps, et une âme intellectuelle et rationnelle " ; puis il ajoute : " Le tout est uni au tout, afin qu’à tout moi-même le salut soit accordé ; car ce qui n’est pas assumé ne peut être guéri. "

3 Cette opinion contredit la vérité de l’Incarnation. Puisque le corps est proportionné à l’âme comme la matière à sa forme propre, une chair qui ne possède pas une âme humaine rationnelle n’est pas une véritable chair humaine. C’est pourquoi, si le Christ avait eu une âme sans intelligence, il n’aurait pas eu une chair véritablement humaine, mais une chair animale ; car c’est par la seule intelligence que notre âme diffère de l’âme des bêtes. Et c’est pourquoi S. Augustin affirme qu’en suivant cette erreur, il faudrait conclure que le Fils de Dieu " aurait assumé un animal à figure humaine " ce qui s’oppose à la vérité divine laquelle ne supporte pas de faux semblant.

v. 29 : Prières de Ste Thérèse Prière n 5 " Fleurs Mystiques "

Madeleine ! Mon Epouse Bien-Aimée ! Je suis tout à toi et tu es à moi pour toujours (Ct 2,16)

Fleurs Mystiques destinées à former ma Corbeille de Noces.

Une voix s’est fait entendre : " Voici l’Epoux qui vient, allez au-devant de Lui " (Mt 25,6)

Aspirations

(2r) Des Roses Blanches. O Jésus ! purifiez mon âme afin qu’elle devienne digne d’être votre épouse !

(2v) Des Pâquerettes. O Jésus ! faites-moi la grâce de faire toutes mes actions pour plaire à Vous seul.

(3r) Des Violettes Blanches. Jésus, doux et humble de Coeur, rendez mon coeur semblable au vôtre ! (Mt 11,29)

(3v) Du Muguet. Sainte Thérèse, ma Mère, apprenez-moi à sauver les âmes afin que je devienne une vraie carmélite.

(4r) Des Eglantines. O Jésus ! c’est vous seul que je sers en servant mes Mères et mes Soeurs.

(4v) Des Roses Thé. Jésus, Marie, Joseph, faites-moi la grâce de faire une bonne retraite et préparez mon âme pour le beau jour de ma profession.

(5r) Des Clochettes Blanches. O Sainte Madeleine ! obtenez-moi que ma vie ne soit qu’un acte d’amour.

(5v) Du Chèvrefeuille. O Jésus ! apprenez-moi à me renoncer toujours pour faire plaisir à mes soeurs.

(6r) Des Pervenches Blanches. Mon Dieu, je vous aime de tout mon coeur.

(6v) Des Pivoines Blanches. O mon Dieu, regardez la Face de Jésus, et des pauvres pécheurs faites autant d’élus.

(7r) Du Jasmin. O Jésus, je ne veux goûter de joie qu’en vous seul !...

(7v) Des Myosotis Blancs. O mon Saint Ange gardien ! couvrez-moi toujours de vos ailes afin que je n’aie jamais le malheur d’offenser Jésus. (Ps 91,4)

(8r) De la Reine des Prés. O Marie ! ma bonne Mère, faites-moi la grâce de ne jamais ternir la robe d’innocence que vous me donnerez au jour de ma profession.

(8v) Des Verveines Blanches. Mon Dieu, je crois en vous, j’espère en vous, je vous aime de tout mon coeur.

(9r) Des Iris Blancs. Mon Dieu, je vous remercie de toutes les grâces que vous m’avez faites pendant ma retraite.

(9v) Le Grand Jour est Arrivé. (Ct 2,16)

Des Lys. Mon Jésus Bien-Aimé, vous êtes maintenant tout à moi et moi je suis pour toujours votre petite Epouse ! ! !..... (Ct 2,16)

v. 29 : Prières de Ste Thérèse 20 - Prière pour obtenir l’Humilité

Jésus !

16 juillet 1897.

Prière pour obtenir l’Humilité

O Jésus ! lorsque vous étiez Voyageur sur la terre vous avez dit : " Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur et vous trouverez le repos de vos âmes. " (Mt 11,29) O Puissant Monarque des Cieux, oui mon âme trouve le repos en vous voyant, revêtu de la forme et de la nature d’esclave, (Ph 2,7) vous abaisser jusqu’à laver les pieds à vos apôtres. (Jn 13,15-17) Je me souviens alors de ces paroles que vous avez prononcées pour m’apprendre à pratiquer l’humilité : " Je vous ai donné l’exemple afin que vous fassiez vous-mêmes ce que j’ai fait, le disciple pas plus grand que le Maître.... Si vous comprenez ceci vous serez heureux en le pratiquant. " Je les comprends, Seigneur, ces paroles sorties de votre Coeur doux et humble, je veux les pratiquer avec le secours de votre grâce. (Mt 11,20)

Je veux m’abaisser humblement et soumettre ma volonté à celle de mes soeurs, ne les contredisant en rien et sans rechercher si elles ont, oui ou non, le droit de me commander Personne, ô mon Bien-Aimé, n’avait ce droit envers vous et cependant vous avez obéi mais encore à vos bourreaux. (Lc 2,51) Maintenant c’est dans l’Hostie que je vous vois mettre le comble à vos anéantissements. Quelle n’est pas votre humilité, ô divin Roi de Gloire, de vous soumettre à tous vos prêtres (Ps 24,7-9) sans faire aucune distinction entre ceux qui vous aiment et ceux qui sont, hélas ! tièdes ou froids dans votre service... A leur appel vous descendez du ciel, ils peuvent avancer, retarder l’heure du St Sacrifice, toujours vous êtes prêt...

O mon Bien-Aimé, sous le voile de la blanche Hostie que vous m’apparaissez doux et humble de coeur ! (Mt 11,29) Pour m’enseigner l’humilité vous ne pouvez vous abaisser davantage, aussi je veux, afin de répondre à votre amour, désirer que mes soeurs me mettent toujours à la dernière place (Lc 14,10-11) et bien me persuader que cette place est la mienne.

Je vous supplie, mon Divin Jésus, de m’envoyer une humiliation chaque fois que j’essaierai de m’élever au-dessus des autres.

Je le sais, ô mon Dieu, vous abaissez l’âme orgueilleuse (Lc 14,11) mais à celle qui s’humilie vous donnez une éternité de gloire, je veux donc me mettre au dernier rang, (Lc 14,10) partager vos humiliations afin " d’avoir part avec vous " (Jn 13,8) dans le royaume des Cieux.

Mais, Seigneur, ma faiblesse vous est connue ; chaque matin je prends la résolution de pratiquer l’humilité et le soir je reconnais que j’ai commis encore bien des fautes d’orgueil, à cette vue je suis tentée de me décourager mais, je le sais, le découragement est aussi de l’orgueil, je veux donc, ô mon Dieu, fonder sur Vous seul mon espérance ; puisque vous pouvez tout, daignez faire naître en mon âme la vertu que je désire. Pour obtenir cette grâce de votre infinie miséricorde je vous répéterai bien souvent : " O Jésus, doux et humble de coeur, rendez mon coeur semblable au vôtre ! " (Mt 11,29)

v. 29 : Redemptor Hominis 4 Référence à la première Encyclique de Paul VI

4 Pour cette raison même, la conscience de l’Eglise doit aller de pair avec une ouverture universelle, afin que tous puissent trouver en elle " l’insondable richesse du Christ " (10- Ep 3,8) dont parle l’Apôtre des nations. Cette ouverture, jointe d’une manière organique à la conscience de sa propre nature, à la certitude de sa vérité au sujet de laquelle le Christ disait : " La parole que vous entendez n’est pas de moi, mais du Père qui m’a envoyé " (11- Jn 14,24), détermine le dynamisme apostolique, c’est-à-dire missionnaire, de l’Eglise, qui professe et proclame intégralement toute la vérité transmise par le Christ. Elle doit en même temps établir le " dialogue " que Paul VI, dans son encyclique Ecclesiam suam appelait le " dialogue du salut ", en marquant avec précision chacun des cercles à l’intérieur desquels il devrait être mené (12- Paul VI, Encycl. Ecclesiam suam ; AAS 56 (1964) 650ss.). En me référant aujourd’hui à ce document qui fixait le programme du pontificat de Paul VI, je ne cesse de remercier Dieu, car ce grand prédécesseur, qui est en même temps un vrai père pour moi, a su malgré les diverses faiblesses internes qui ont affecté l’Eglise dans la période postconciliaire manifester ad extra, au dehors, le visage authentique de cette dernière. Ainsi une grande partie de la famille humaine, dans les différents milieux de son existence complexe, est devenue, à mon avis, plus consciente d’avoir absolument besoin de l’Eglise du Christ, de sa mission et de son service. Cette prise de conscience s’est parfois montrée plus forte que les divers comportements critiques qui attaquaient ab intra, de l’intérieur, l’Eglise, ses institutions et ses structures, les membres de l’Eglise et leur activité. Cette critique croissante a eu évidemment des causes diverses, et nous sommes certains d’autre part qu’il ne lui a pas toujours manqué un authentique amour pour l’Eglise. Sans aucun doute s’est manifestée en elle, entre autres, la tendance à sortir du prétendu triomphalisme dont on avait souvent discuté pendant le Concile. Mais s’il est vrai que l’Eglise, selon l’exemple de son Maître qui était " humble de coeur " (13- Mt 11,29), est fondée elle aussi sur l’humilité, qu’elle a le sens critique vis-à-vis de tout ce qui constitue son caractère et son activité humaine, qu’elle est toujours très exigeante pour elle-même, la critique, de son côté, doit avoir de justes limites. Autrement, elle cesse d’être constructive, elle ne révèle pas la vérité, l’amour et la gratitude pour la grâce dont nous devenons principalement et pleinement participants dans l’Eglise et par l’Eglise. En outre, l’esprit critique n’exprime pas l’attitude de service, mais plutôt la volonté de diriger l’opinion d’autrui selon sa propre opinion, parfois proclamée d’une façon trop inconsidérée.

Nous devons de la reconnaissance à Paul VI car, tout en respectant chaque parcelle de vérité contenue dans les diverses opinions humaines, il a conservé en même temps le providentiel équilibre du timonier du navire (14). L’Eglise qui m’a été confiée presque immédiatement après lui à travers Jean-Paul Ier n’est certainement pas exempte de difficultés et de tensions internes. Mais en même temps elle est intérieurement mieux prémunie contre les excès de l’autocritique : on pourrait dire qu’elle est plus critique en face des diverses critiques inconsidérées, plus résistante devant les différentes " nouveautés ", plus mûre dans l’esprit de discernement, plus apte à tirer de son trésor éternel " du neuf et du vieux " (15- Mt 13,52), plus centrée sur son propre mystère et, grâce à tout cela, plus disponible pour la mission de salut de tous : Dieu " veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité " (16- 1Tm 2,4).

14- Il faut rappeler ici les principaux documents du pontificat de Paul VI, dont il a lui-même cité quelques-uns dans l’homélie prononcée au cours de la messe qu’il célébra en la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul de 1978 : Encyclique Ecclesiam suam AAS 56 (1964) 609-659 ; Lettre Invetigabiles divitias Christi : AAS 57 (1965) 298-301 ; Encyclique Mysterium fidei : AAS 57 (1965) 753-774 ; Encyclique Sacerdotalis caelibatus : AAS 59 (1967) 657-697 ; Sollemnis Professio Fidei : AAS 60 (1968) 433-445 ; Encyclique Humanae vitae : AAS 60 (1968) 481-503 ; Exhortation apostolique Evangelica testificatio : AAS 63 (1971) 497-535 ; Exhortation apostolique Paterna cum benevolentia : AAS 67 (1975) 5-23 ; Exhortation apostolique Gaudete in Domino : AAS 67 (1975) 289-322 ; Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi : AAS 68 (1976) 5-76.

v. 30 : Montée du Carmel II, 7 OÙ IL EST DÉCLARÉ COMBIEN EST ÉTROIT LE SENTIER QUI CONDUIT À LA VIE ÉTERNELLE, ET COMBIEN CEUX QUI Y VEULENT CHEMINER DOIVENT ÊTRE DÉNUÉS ET DÉSEMBARRASSÉS. - ON COMMENCE À PARLER DE LA NUDITÉ DE L’ENTENDEMENT

1 Pour traiter maintenant de la nudité et de la pureté des trois puissances de l’âme, il faudrait un autre plus grand savoir et un autre esprit que le mien, afin qu’on pût bien faire entendre aux spirituels combien est étroit ce chemin, lequel - selon ce qu’a dit Notre Sauveur - conduit à la vie ; afin qu’étant bien persuadés de cette vérité, ils ne s’étonnassent pas du vide et de la nudité où nous devons laisser en cette nuit les puissances de l’âme.

2 C’est pourquoi on doit bien remarquer les paroles que Notre Sauveur dit de ce chemin, en saint Matthieu, au chapitre 7, c’est savoir : Combien la porte est étroite et combien est resserré le chemin qui conduit à la vie, et combien il y en a peu qui le trouvent ! (Mt 7,14). Où l’on doit beaucoup remarquer l’exagération et le renchérissement que contient cette parole : Combien, car c’est comme s’il disait : En vérité, elle est fort étroite, et plus que vous ne pensez !

L’on doit aussi peser qu’il dit premièrement que la porte est étroite, pour nous faire entendre qu’afin que l’âme entre par cette porte du Christ qui est le commencement du chemin, il faut auparavant qu’elle se resserre et qu’elle dépouille sa volonté de toutes choses sensibles et temporelles, aimant Dieu par-dessus toutes - ce qui appartient à la nuit du sens, dont nous avons parlé.

3 Et aussitôt il ajoute que le chemin est resserré, à savoir : de la perfection, donnant à entendre que pour aller par le chemin de perfection, non seulement il faut entrer par la porte étroite, s’évacuant du sensible, mais il se faut aussi étrécir, se désappropriant et se désembarrassant purement en ce qui est de la part de l’esprit. Si bien que nous pouvons rapporter ce qu’il dit de la porte étroite à la partie sensible de l’homme, et ce qu’il dit du chemin resserré, nous le pouvons entendre de la partie spirituelle et raisonnable. Et en ce qu’il dit que fort peu le trouvent, on doit remarquer la cause, à savoir, parce qu’il n’y en a guère qui sachent et qui veuillent entrer en cette extrême nudité et vide de l’esprit. Parce que ce sentier du haut mont de perfection - attendu qu’il tire en haut et qu’il est étroit - demande de tels voyageurs qu’ils n’aient aucune charge qui les appesantisse quant aux choses qui regardent la partie inférieure, ni chose qui les embarrasse quant à celles qui regardent la supérieure. Car, puisque c’est un trafic où seulement Dieu est cherché et gagné, aussi Dieu seul est celui qu’on doit chercher et gagner.

4 D’où l’on voit clairement que non seulement l’âme doit être dépêtrée de tout ce qui est de la part des créatures, mais aussi elle doit cheminer désappropriée et anéantie de tout ce qui est de la part de l’esprit. Aussi Notre Seigneur, nous instruisant et nous introduisant en ce chemin, propose en saint Marc cette doctrine si admirable - d’autant moins pratiquée par les spirituels, si je l’ose dire, qu’elle leur est plus nécessaire - laquelle, pour être tant à notre propos, je rapporterai ici tout entière et la déclarerai selon son sens véritable et spirituel. Il dit donc ceci : Quiconque veut suivre mon chemin, qu’il se nie soi-même, et qu’il porte sa croix et me suive. Car celui qui veut sauver son âme la perdra, et celui qui la perdra pour moi la gagnera (Mc 8,34-35).

5 Oh ! qui pourrait faire entendre, pratiquer et goûter ce qu’est ce conseil que nous donne ici Notre Sauveur de renoncer à nous-mêmes, pour montrer aux spirituels combien le moyen qu’ils doivent tenir en ce chemin est diffèrent de celui que beaucoup d’entre eux pensent - se persuadant que n’importe quelle sorte de retraite et de réformation dans les choses est suffisante ! Et d’autres se contentent de pratiquer vaille que vaille les vertus, continuent l’oraison et suivent la mortification, mais ils n’arrivent pas à la nudité et pauvreté ou aliénation ou pureté spirituelle (car c’est tout un) que le Seigneur nous conseille ici ; parce que, malgré cela, ils vont repaissant et revêtant leur naturel de consolations et sentiments spirituels, plutôt que de le dénuer et de le nier en ceci et en cela pour Dieu. Ils pensent qu’il suffit de le nier en ce qui est du monde, et non pas de l’anéantir et purifier en la propriété spirituelle. D’où vient que, se présentant quelque chose de cette solidité et perfection qui est l’anéantissement de toute suavité en Dieu, en aridité, en dégoût et en travail - ce qui est la pure croix spirituelle et la nudité de l’esprit pauvre du Christ - ils fuient cela comme la mort et seulement vont recherchant des douceurs et communications savoureuses en Dieu - ce qui n’est pas renoncer à soi-même, ni nudité d’esprit, mais gourmandise spirituelle. En quoi ils se rendent spirituellement ennemis de la croix du Christ ; parce que le vrai esprit recherche plutôt ce qu’il y a d’insipide en Dieu que le savoureux, et s’incline plutôt à pâtir qu’à être consolé, et plutôt à être privé de tout bien pour Dieu qu’à le posséder, et plutôt aux aridités et aux afflictions qu’aux douces communications, sachant que cela est suivre le Christ et renoncer soi-même ; et il se peut que de faire autrement soit se rechercher soi-même en Dieu, ce qui est fort contraire à l’amour. Parce que se chercher soi-même en Dieu, c’est chercher les caresses et récréations de Dieu ; mais chercher Dieu en soi, c’est non seulement vouloir être privé de l’un et de l’autre pour Dieu, mais aussi avoir inclination à choisir pour le Christ ce qu’il y a de plus insipide, soit de Dieu, soit du monde - et cela est amour de Dieu !

6 Oh ! qui pourrait donner à entendre jusqu’où Notre Seigneur veut porter cette abnégation ! Sans doute elle doit être comme une mort et un anéantissement temporel, naturel et spirituel en tout, quant à l’estime de la volonté, dans laquelle se trouve toute abnégation.

Et c’est ce que Notre Sauveur a voulu dire ici que celui qui voudra sauver son âme la perdra - c’est à savoir, que celui qui voudra posséder quelque chose ou la chercher pour soi, la perdra ; et celui qui perdra son âme pour moi la gagnera - c’est-à-dire que celui qui renoncera pour le Christ à tout ce que sa volonté peut désirer et goûter, faisant choix de ce qui ressemble plus à la croix (ce que le même Seigneur appelle en saint Jean abhorrer son âme ; Jn 12,25), celui-là la gagnera.

Et c’est aussi ce que Sa Majesté enseigne aux deux de ses disciples qui lui demandaient la droite et la gauche, lorsque, tranchant le fil de leur ambition, il leur offrit le calice qu’il devait boire comme une chose plus précieuse et plus assurée en cette vie que la jouissance (cf. Mt 20,20-23).

7 Ce calice est de mourir à son naturel en le dénuant et anéantissant, afin qu’il puisse cheminer par ce sentier étroit en tout ce qui lui peut appartenir selon le sens (comme nous avons dit) et selon l’âme (comme nous dirons ci-après), ce qui est le dénuer en son entendre, en son jouir et en son sentir. De manière que non seulement il demeure désapproprié en l’un et en l’autre, mais, de plus, qu’en ce qui est de l’esprit, il ne demeure embarrassé pour marcher en ce chemin étroit ; puisque, comme donne à entendre le Sauveur, il n’y peut tenir autre chose que l’abnégation et la croix, qui est le bâton pour y monter, lequel allège et facilite beaucoup ce chemin. D’où vient que Notre Seigneur dit en saint Matthieu : Mon joug est suave et ma charge légère, qui est la croix (Mt 11,30). Parce que, si l’homme se détermine à s’assujettir à porter cette croix, ce qui est une vraie résolution à vouloir trouver et supporter des travaux en toutes choses pour Dieu, il trouvera en elles un grand allégement et beaucoup de suavité pour cheminer par ce chemin, ainsi dénué de tout, sans rien vouloir. Mais, s’il prétend d’avoir quelque chose avec propriété quelconque, soit de Dieu, soit d’autre chose, il n’est pas dénué ni renoncé en tout, et ainsi il ne pourra tenir en ce chemin, ni monter par ce sentier étroit vers le haut.

8 Je voudrais bien persuader aux spirituels comme ce chemin de Dieu ne consiste pas en multiplicité de considérations, ni de moyens, ni de manières, ni de goûts, encore que cela soit à sa manière nécessaire aux commençants, mais en une seule chose nécessaire, qui est de savoir se renoncer vraiment selon l’extérieur et l’intérieur, s’exerçant à pâtir pour le Christ et à s’anéantir en tout. Car en pratiquant ceci, tout ce qui a été dit et autres choses encore se font et se trouvent ici. Que si l’on manque à cet exercice - qui est le sommaire de tout et la racine des vertus - toutes les autres manières ne sont rien, sinon battre les buissons et ne pas profiter, encore qu’on ait d’aussi hautes considérations et communications que les anges. Car on ne peut profiter qu’en imitant le Christ, qui est la voie, la vérité et la vie ; et personne ne vient au Père que par lui, lui-même le dit en saint Jean (Jn 14,6). Et ailleurs il dit : Je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé (Jn 10,9). De sorte que je ne tiendrais pas pour bon esprit celui qui recherche les douceurs et la facilité et qui fuit d’imiter le Christ.

9 Or, parce que j’ai dit que le Christ est le chemin, et que ce chemin c’est mourir à notre nature en ce qui est du sens et en ce qui appartient à l’esprit, je veux donner à entendre comment cela se peut faire à l’exemple du Christ. Car il est notre exemple et notre lumière.

10 Quant au premier, il est certain qu’il mourut spirituellement à ce qui est du sensuel en sa vie, et naturellement en sa mort, attendu, comme il dit, qu’il n’eut pas en sa vie où reposer sa tête (Mt 8,20), et encore moins en mourant.

11 Quant au second, il est tout manifeste qu’à l’instant de sa mort il fut aussi anéanti en l’âme, sans aucune consolation ni soulagement, son Père le laissant ainsi en une intime aridité, selon la partie inférieure. Cc qui le fit écrier en la croix : Mon Dieu ! Mon Dieu ! pourquoi m’avez-vous délaissé ? (Mt 27,46). Lequel délaissement fut le plus grand qu’il souffrît en la partie sensitive durant sa vie. Aussi fit-il en ce délaissement le plus grand oeuvre qu’il eût opéré en toute sa vie par ses miracles et ses merveilles, ni sur la terre ni dans le ciel, qui fut de réconcilier et unir le genre humain par grâce avec Dieu. Ce qui fut au moment et à l’instant que ce Seigneur se trouva le plus anéanti en tout ; à savoir : quant à l’estime des hommes, car, le voyant mourir, ils s’en moquaient plutôt que d’en faire aucun cas ; et quant à la nature, puisque, mourant, il s’anéantissait en elle ; et quant à la protection et consolation spirituelle du Père, puisqu’en ce temps Il l’abandonna afin qu’étant ainsi anéanti et réduit ainsi comme à rien, il payât purement la dette et unît l’homme à Dieu. D’où vient que David dit de lui : J’ai été réduit à néant et je ne m’en suis aperçu (Ps 72,22). Afin que l’homme vraiment spirituel entende le mystère de la porte et du chemin du Christ pour s’unir à Dieu ; et qu’il sache que tant plus il s’anéantira pour Dieu selon ces deux parties - la sensible et la spirituelle - tant plus il s’unit à Dieu et fait une oeuvre meilleure. Et lorsqu’il sera réduit à rien - ce qui sera dans l’extrême humilité - alors l’union spirituelle sera faite entre l’âme et Dieu, ce qui est le plus grand et plus haut état où l’on puisse parvenir en cette vie.

Il ne consiste donc pas en récréations, ni en goûts, ni en sentiments spirituels, mais en une vive mort de croix sensible et spirituelle, c’est-à-dire intérieure et extérieure.

12 Je ne veux point m’étendre davantage sur cela, encore que d’autre part je voudrais bien ne pas trancher si court, voyant le Christ si peu connu de ceux qui s’estiment ses amis ; puisque nous les voyons chercher leurs goûts et consolations en lui, s’aimant par trop eux-mêmes - et non pas ses amertumes et ses morts, l’aimant beaucoup, lui. Je parle de ceux qui (comme j’ai dit) se tiennent pour ses amis. Car, quant à ceux qui vivent si éloignés de lui, séparés de lui - quoique grands docteurs et hommes puissants et tous les autres qui vivent au monde, plongés dans les soins de leurs prétentions et de leurs grandeurs - desquels nous pouvons dire qu’ils ne connaissent pas le Christ et dont la fin, tant bonne soit-elle, ne sera que trop amère - on ne fait pas ici mention d’eux ; mais il en sera fait au jour du jugement. Parce que c’est eux qu’il appartenait principalement d’annoncer cette parole de Dieu, comme gens qu’il a mis en évidence pour leur doctrine et pour leur dignité.

13 Mais parlons à présent à l’entendement de l’homme spirituel, particulièrement de celui à qui Dieu a fait la grâce de le mettre en état de contemplation - car, comme j’ai dit, je m’adresse particulièrement à ceux-là - et disons comment on doit se dresser à Dieu en foi et se purifier des choses contraires, en se resserrant pour entrer par ce sentier étroit de la contemplation obscure.

v. 30 : Humanae vitae 25 Aux époux chrétiens

Et maintenant Notre parole s’adresse plus directement à Nos fils, particulièrement à ceux que Dieu appelle à le servir dans le mariage. L’Église, en même temps qu’elle enseigne les exigences imprescriptibles de la loi divine, annonce le salut, et ouvre par les sacrements les voies de la grâce, laquelle fait de l’homme une nouvelle créature, capable de répondre dans l’amour et dans la vraie liberté au dessein de son Créateur et Sauveur, et de trouver doux le joug du Christ (31 - Cf. Mt 11,30.).

Que les époux chrétiens, dociles à sa voix, se souviennent donc que leur vocation chrétienne, commencée au baptême, s’est ensuite spécifiée et confirmée par le sacrement du mariage. Par lui, les époux sont affermis et comme consacrés pour accomplir fidèlement leurs devoirs, pour réaliser leur vocation jusqu’à la perfection et pour rendre chrétiennement le témoignage qui leur est propre en face du monde (32).

C’est à eux que le Seigneur confie la tâche de rendre visibles aux hommes la sainteté et la douceur de la loi qui unit l’amour mutuel des époux à leur coopération à l’amour de Dieu auteur de la vie humaine.

Nous n’entendons aucunement dissimuler les difficultés, parfois graves, qui sont inhérentes à la vie des époux chrétiens : pour eux, comme pour chacun, " étroite est la porte et resserrée est la voie qui conduit à la vie (33) ". Mais l’espérance de cette vie doit illuminer leur chemin, tandis qu’ils s’efforcent courageusement de vivre avec sagesse, justice et piété dans le temps présent (34), sachant que la figure de ce monde passe (35).

Que les époux affrontent donc les efforts nécessaires, soutenus par la foi et par l’espérance qui " ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cours par l’Esprit-Saint qui nous a été donné (36) " ; qu’ils implorent par une persévérante prière l’aide divine ; qu’ils puisent surtout dans l’Eucharistie à la source de la grâce et de la charité. Et si le péché avait encore prise sur eux, qu’ils ne se découragent pas, mais qu’ils recourent avec une humble persévérance à la miséricorde de Dieu. qui est accordée dans le sacrement de pénitence. Ils pourront de cette façon réaliser la plénitude de la vie conjugale décrite par l’Apôtre : " Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église (...). Les maris doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps. Aimer sa femme, n’est-ce pas s’aimer soi-même ? Or, personne n’a jamais haït sa propre chair ; il la nourrit, au contraire, et l’entretient ; comme le Christ le fait pour l’Église (...). Grand est ce mystère, je veux dire par rapport au Christ et à l’Église. Mais en ce qui vous concerne, que chacun aime son épouse comme lui- même et que l’épouse respecte son mari (37- Ep 5,25 ; Ep 5,28-29 ; Ep 5,32-33.).

(32) Cf. Const. pastorale GS 48 ; Conc. Vat. Il. Const. dogm. LG 35. (33) Mt 6,14 ; He 12,11. (34) Cf. Tt 2,12. (35) Cf. 1Co 7,31. (36) Cf. Rm 5,5.

v. 30 : I, II, 107 : ARTICLE 4 : Laquelle est la plus pesante : la loi nouvelle ou la loi ancienne ?

En sens contraire, il y a cette parole de Jésus " Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui peinez sous le fardeau " (Mt 11,23), commentée en ces termes par S. Hilaire : " Le Christ appelle à lui ceux qui sont fatigués par la difficulté de la loi et qui portent le fardeau des péchés du monde. " Et la suite concerne le joug de l’Évangile : " Car mon joug est doux et mon fardeau léger " (Mt 11,30). La loi nouvelle est donc plus légère que l’ancienne.

Réponse : Dans les oeuvres vertueuses qui font l’objet des préceptes de la loi, on peut rencontrer une double difficulté. Il y a la difficulté inhérente aux actes extérieurs qui par eux-mêmes ont quelque chose d’ardu et de pénible. A cet égard la loi ancienne est bien plus pesante que la nouvelle, car dans la multiplicité de ses rites elle obligeait à beaucoup plus d’actes extérieurs que la loi nouvelle. Celle-ci, telle que le Christ et les Apôtres l’ont enseignée, n’a presque rien ajouté, en fait de préceptes, à ceux de la loi naturelle. Il est vrai qu’ultérieurement survinrent quelques préceptes d’institution ecclésiastique ; mais pour ceux-ci S. Augustin recommande également la modération, de peur que la vie des fidèles en devienne pénible. A l’une des questions de Januarius, il répond ainsi : " Alors que la miséricorde de Dieu a voulu que notre religion fût libre, se contentant de célébrer un petit nombre de mystères qu’il est tout à fait impossible d’ignorer, il y a des gens qui l’accablent de fardeaux asservissants, au point qu’on jugera la condition des Juifs plus supportables, vu qu’ils se soumettent, eux, aux rites de la loi, et non aux surenchères des hommes. "

Mais les actes intérieurs, quand il s’agit d’activité vertueuse, offrent une autre sorte de difficulté : par exemple, celle de réaliser l’oeuvre vertueuse avec promptitude et plaisir. En cela réside la difficulté de la vertu : ce qui est très difficile à qui ne possède pas la vertu, devient cependant facile grâce à elle. Or, à cet égard, la loi nouvelle, qui condamne les désordres intérieurs de l’âme, est plus exigeante en ses préceptes que la loi ancienne ; celle-ci ne les interdisait pas expressément en tous les cas ; et si parfois elle le faisait, l’interdiction n’était pas assortie d’une sanction pénale. Mais cette difficulté extrême concerne celui qui ne possède pas la vertu : " Faire les actes que fait le juste, pour Aristote, est chose aisée ; mais les faire de la même manière que le juste, c’est-à-dire avec plaisir et promptitude, c’est difficile pour qui ne possède pas la justice. " Il est écrit encore : " Ses commandements ne sont pas difficiles " (1Jn 5,3), sur quoi S. Augustin remarque : " Pas difficiles si l’on aime, mais difficiles si l’on n’aime pas. "

v. 30 : Lettre de Thérèse LT 144 A Céline.

J.M.J.T.

Au Carmel le 23 juillet 1893.

Jésus +

Ma chère petite Céline,

Je ne suis pas surprise que tu ne comprennes rien à ce qui se passe dans ton âme. Un PETIT enfant tout seul sur la mer, dans une barque perdue au milieu des flots orageux, pourrait-il savoir s’il est près ou loin du port ? Quand son oeil contemple encore le rivage d’où il est parti il sait combien il a fait de chemin, en voyant la terre s’éloigner sa joie enfantine ne peut se contenir. Oh ! dit-il, me voilà bientôt au bout de mon voyage. Mais plus la plage s’éloigne plus aussi l’océan semble vaste, alors la SCIENCE du petit enfant est réduite à néant, il ne sait plus où va sa nacelle ; ne connaissant pas la manière de conduire le gouvernail, l’unique chose qu’il puisse faire c’est de s’abandonner, de laisser sa voile flotter au gré du vent... Ma Céline, la petite enfant de Jésus est toute seule dans une petite barque, la terre a disparu à ses yeux, elle ne sait pas où elle va, si elle avance ou si elle recule... La petite Thérèse sait bien, elle est sûre que sa Céline est en pleine mer, la nacelle qui la porte vogue à voiles déployées vers le port, le gouvernail que Célinc ne peut pas même apercevoir n’est pas sans pilote. Jésus est là, dormant comme autrefois dans la barque des pêcheurs de la Galilée. Il dort... et Céline ne le voit pas car la nuit est descendue sur la nacelle... Céline n’entend pas la voix de Jésus. Le vent souffle... elle l’entend ; elle voit les ténèbres... et Jésus dort toujours ; cependant s’Il se réveillait seulement un instant, Il n’aurait " qu’à commander au vent et à la mer et il se ferait un grand calme ", Mc 4,38-39 la nuit deviendrait plus claire que le jour, Ps 139,12 Céline verrait le divin regard de Jésus et son âme serait consolée... Mais aussi Jésus ne dormirait plus et Il est si FATIGUE !... Jn 4,6 Ses pieds divins se sont lassés à poursuivre les pécheurs, et dans la nacelle de Céline Jésus se repose si doucement. Les apôtres lui avaient donné un oreiller. Mc 4,38 L’Évangile nous rapporte cette particularité. Mais dans la petite barque de son épouse chérie N.S. trouve un autre oreiller beaucoup plus doux. C’est le coeur de Céline, là Il oublie tout, Il est chez Lui... Ce n’est pas une pierre qui soutient sa tête divine (cette pierre, après laquelle Il soupirait pendant sa vie mortelle), Mt 8,20 c’est un coeur d’enfant, un coeur d’épouse. Oh que Jésus est heureux ! mais comment peut-Il être heureux alors que son épouse souffre, qu’elle veille Is 53,3 pendant que Lui dort si doucement ? Ne sait-Il pas que Céline ne voit que la nuit, que son divin visage lui demeure caché, et même parfois le poids qu’elle sent sur son coeur lui semble lourd... Quel mystère ! Jésus, le petit enfant de Bethléem que Marie portait comme " un léger fardeau ", Mt 11,30 se rend lourd, si lourd que St Christophe s’en étonne... L’épouse des cantiques elle aussi dit que " Son bien-Aimé est un bouquet de myrrhe et qu’Il repose sur son sein ". Ct 1,12 La myrrhe c’est la souffrance et c’est ainsi que Jésus repose sur le coeur de Céline... Et cependant Jésus est heureux de la voir dans la souffrance, Il est heureux de tout recevoir d’elle pendant la nuit... Il attend l’aurore et alors, oh alors quel réveil que celui de Jésus ! ! !...

Sois sûre, ma Céline chérie, que ta barque est en pleine mer, déjà peut-être bien près du port. Le vent de douleur qui la pousse est un vent d’amour et ce vent-là est plus rapide que l’éclair...

Que j’ai été touchée en voyant que Jésus t’avait inspiré l’idée des petits sacrifices ; je le lui avais demande, ne comptant pas t’écrire si tôt. Jamais Notre Seigneur ne m’a encore refusé de t’inspirer ce que je L’avais prié de te dire. Toujours Il nous fait les mêmes grâces ensemble. Je suis même obligé d’avoir un chapelet de pratiques, je l’ai fait par charité pour une de mes compagnes, je te dirai cela en détail, c’est assez amusant... Je suis prise dans des filets qui ne me plaisent pas mais qui me sont très utiles dans l’état d’âme où je suis.

v. 30 : Ste Thérèse - Manuscrit C folio 16

Et ce n’est pas assez d’aimer, il faut le prouver. On est naturellement heureux de faire un présent à un ami, on aime surtout à faire des surprises, mais cela, ce n’est point de la charité car les pécheurs le font aussi. Voici ce que Jésus m’enseigne encore : " Donnez à QUICONQUE vous demande ; et si l’ON PREND ce qui vous appartient, ne le redemandez pas. Donner à toutes celles qui demandent, c’est moins doux que d’offrir soi-même par le mouvement de son coeur ; encore lorsqu’on demande gentiment cela ne coûte pas de donner, mais si par malheur on n’use pas de paroles assez délicates, aussitôt l’âme se révolte si elle n’est pas affermie sur la charité. Elle trouve mille raisons pour refuser ce qu’on lui demande et ce n’est qu’après avoir convaincu la demandeuse de son indélicatesse qu’elle lui donne enfin par grâce ce qu’elle réclame, ou qu’elle lui rend un léger service qui aurait demandé vingt fois moins de temps à remplir qu’il n’en a fallu pour faire valoir des droits imaginaires. Si c’est difficile de donner à quiconque demande, ce l’est encore bien plus de laisser prendre ce qui appartient sans le redemander ; ô ma Mère, je dis que c’est difficile, je devrais plutôt dire que cela semble difficile, car le joug du Seigneur est suave et léger, Mt 11,30 lorsqu’on l’accepte, on sent aussitôt sa douceur et l’on s’écrie avec le Psalmiste : " J’ai COURU dans la voie de vos commandements depuis que vous avez dilaté mon coeur. " Ps 119,32 Il n’y a que la charité qui puisse dilater mon coeur. O Jésus, depuis que cette douce flamme le consume, je cours avec joie dans la voie de votre commandement NOUVEAU... Jn 13,34-35 Je veux y courir jusqu’au jour bienheureux où, m’unissant au cortège virginal, e pourrai vous suivre dans les espaces infinis, chantant votre cantique NOUVEAU Ap 14,3-4 qui doit être celui de l’Amour. Je disais : Jésus ne veut pas que je réclame ce qui m’appartient ; cela devrait me sembler facile et naturel puisque rien n’est à moi. Les biens de la terre j’y ai renoncé par le voeu de pauvreté, je n’ai donc pas le droit de me plaindre si l’on m’enlève une chose qui ne m’appartient pas, je dois au contraire me réjouir lorsqu’il m’arrive de sentir la pauvreté. Autrefois il me semblait que je ne tenais à rien, mais depuis que j’ai compris les paroles de Jésus, je vois que dans les occasions je suis bien imparfaite. Par exemple dans l’emploi de peinture rien n’est à moi, je le sais bien ; mais si, me mettant à l’ouvrage, je trouve pinceaux et peintures tout en désordre, si une règle ou un canif a disparu, la patience est bien près de m’abandonner et je dois prendre mon courage à deux mains pour ne pas réclamer avec amertume les objets qui me manquent. Il faut bien parfois demander les choses indispensables, mais en le faisant avec humilité on ne manque pas au commandement de Jésus ; au contraire, on agit comme les pauvres qui tendent la main afin de recevoir ce qui leur est nécessaire, s’ils sont rebutés ils ne s’étonnent pas, personne ne leur doit rien. Ah ! quelle paix inonde l’âme lorsqu’elle s’élève au-dessus des sentiments de la nature Non, il n’est pas de joie comparable à celle que goûte le véritable pauvre d’esprit. Mt 5,3

 

v. 30 : Veritatis splendor 102 La grâce et l’obéissance à la Loi de Dieu

Même dans les situations les plus difficiles, l’homme doit observer les normes morales par obéissance aux saints commandements de Dieu et en conformité avec sa dignité personnelle. Assurément l’harmonie entre la liberté et la vérité demande parfois des sacrifices hors du commun et elle se conquiert à grand prix, ce qui peut aller jusqu’au martyre. Mais, comme l’atteste l’expérience universelle et quotidienne, l’homme est tenté de rompre cette harmonie : " Je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais Je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas " Rm 7,15 ; Rm 7,19.

D’où provient, en fin de compte, cette division intérieure de l’homme ? Celui-ci commence son histoire de pécheur lorsqu’il ne reconnaît plus le Seigneur comme son Créateur, et lorsqu’il veut décider par lui-même ce qui est bien et ce qui est mal, dans une indépendance totale. " Vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal " Gn 3,5, c’est là la première tentation, à laquelle font écho toutes les autres, alors que l’homme est plus aisément enclin à y céder à cause des blessures de la chute originelle.

Mais on peut vaincre les tentations et l’on peut éviter les péchés, parce que, avec les commandements, le Seigneur nous donne la possibilité de les observer : " Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent, il connaît lui-même toutes les oeuvres des hommes. Il n’a commandé à personne d’être impie, il n’a donné à personne licence de pécher " Si 15,19-20. Dans certaines situations, l’observation de la Loi de Dieu peut être difficile, très difficile, elle n’est cependant jamais impossible. C’est là un enseignement constant de la tradition de l’Église que le Concile de Trente exprime ainsi : " Personne, même justifié, ne doit se croire affranchi de l’observation des commandements. Personne ne doit user de cette formule téméraire et interdite sous peine d’anathème par les saints Pères que l’observation des commandements divins est impossible à l’homme justifié. " Car Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en commandant il t’invite à faire ce que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas " et il t’aide à pouvoir. " Ses commandements ne sont pas pesants " 1Jn 5,3, " son joug est doux et son fardeau léger " Mt 11,30 " (162).

(162) Session VI, Décret Cum hoc tempore, ch. 11 : DS 1536 ; cf. can. 18 : DS 1568. Le célèbre passage de saint Augustin, cit, par le Concile dans le texte rapporté, est tiré du De natura et gratia, 43, 50 : CSEL 60, 270.

v. 30 : Accès à la communion (1994)

10 En accord avec ce qui a été dit jusqu’à présent, il faut réaliser pleinement le désir exprimé par le Synode des évêques, que le Saint-Père Jean-Paul II a fait sien, et qui est mis en oeuvre par un engagement et des initiatives remarquables de la part d’évêques, de prêtres, de religieux et de fidèles laïcs : avec une charité empressée, faire tout ce qui peut fortifier dans l’amour du Christ et de l’Eglise les fidèles qui se trouvent dans des situations matrimoniales irrégulières. C’est seulement ainsi qu’il leur sera possible d’accueillir pleinement le message du mariage chrétien et de supporter dans la foi la souffrance impliquée dans leur situation. Dans l’action pastorale, tout doit être mis en oeuvre pour faire bien comprendre qu’il ne s’agit aucunement de discrimination, mais seulement de fidélité absolue à la volonté du Christ qui nous a redonné et confié de nouveau l’indissolubilité du mariage comme don du Créateur. Les pasteurs et la communauté des fidèles devront nécessairement souffrir et aimer avec les intéressés, pour que ceux-ci reconnaissent, même au sein de leur difficulté, le joug facile et le fardeau léger de Jésus (19 Cf. Mt 11,30). Leur fardeau n’est pas doux et léger parce que petit ou insignifiant, mais il devient léger parce que le Seigneur - et avec lui toute l’Eglise - y prend sa part. L’action pastorale qui doit être menée avec un dévouement total se doit de fournir cette aide fondée dans la vérité et aussi dans l’amour.